Accueil > Le Rail > Histoire > 150e anniversaire du chemin de fer > 150 ans de gestion du personnel et de relations sociales

150 ans de gestion du personnel et de relations sociales

L. Gillieaux, conseiller.

lundi 2 avril 2012, par rixke

Toutes les versions de cet article : [français] [Nederlands]

 De 1926 à nos jours

Les principes légaux

La SNCB a été créée en vertu de la loi du 23 juillet 1926. En matière de personnel, trois dispositions doivent retenir spécialement l’attention. La loi prévoit tout d’abord une représentation du personnel dans le conseil d’administration de la Société ; elle décide ensuite que le personnel bénéficiera d’un statut fixant sa position et, dans le même temps, elle consacre aussi l’existence de la commission paritaire, appelée nationale (car d’autres, régionales, sont également prévues).

La représentation du personnel

La loi estime que le point de vue du personnel doit être pris en considération, non seulement pour ce qui le concerne spécifiquement, mais aussi pour les grandes décisions et options qui ont trait aux multiples aspects de la vie de la Société. Comme celles-ci sont prises au sein du conseil d’administration, la loi a dès lors prévu que trois de ses membres sont nommés par le personnel, ce qui permet la représentation de celui-ci dans la gestion de la Société.

Le statut du personnel

La loi décide également que le personnel disposera d’un statut, fixant ses droits et ses devoirs. Il est aussi prévu que ce statut sera élaboré par une commission paritaire (dite constituante) composée de vingt membres, dont 10 sont nommés par le conseil d’administration et 10 par les organisations groupant le personnel. Cette commission est présidée par un juriste spécialisé, nommé par le roi, sans voix délibérative. La loi dispose encore que le statut ne pourra être modifié sans le consentement de la commission paritaire nationale (prévue par le statut du personnel), statuant à la majorité des deux tiers.

  • La garantie des droits acquis du personnel

Lors de la création de la SNCB s’est posé le problème de la situation des agents attachés jusqu’à ce moment aux chemins de fer de l’Etat. Selon ses déclarations, le gouvernement désirait assurer à ce personnel le respect scrupuleux des droits acquis par une longue carrière de loyaux services à l’Etat. Il ajouta que le personnel pouvait avoir l’assurance de n’être pas moins bien traité par la Société nouvelle qu’il ne le serait s’il restait au service de l’Etat. Il fut admis, lors des discussions précédant le vote de la loi, que les droits acquis seraient conservés et que, dans le statut à établir, les conditions de travail favorables pour cette époque (en 1926) seraient fixées et obtiendraient force de loi. On précisa aussi ce que ces conditions recouvraient : l’application loyale de la journée de huit heures et le repos hebdomadaire, la pension, le traitement en cas d’accident, la réorganisation de la caisse de secours, de la caisse des veuves et des orphelins ; le maintien des jours de congé.

  • Rédaction du statut

Compte tenu des principes légaux et des données de bases évoquées ci-dessus, le statut du personnel fut élaboré par la commission paritaire constituante et adopté à l’unanimité le 14 octobre 1932. Sa structure générale demeure depuis lors mais le contenu de ses divers chapitres a été adapté à de nombreuses reprises depuis cette date.

Les commissions paritaires

La loi consacre leur existence et fixe aussi leurs principes essentiels. Une commission paritaire nationale succède à la commission constituante dès que cette dernière a accompli sa mission (voir ci-dessus). Elle est également composée de vingt membres nommés comme pour la commission constituante et elle est présidée par le ministre ou son délégué. Outre sa compétence en matière de modification du statut du personnel, évoquée plus haut, la commission a les pouvoirs suivants :

  1. examiner toutes les questions relatives au contrat de travail, à la sécurité, à l’hygiène et, en général, à toutes les questions intéressant directement le personnel ;
  2. donner son avis sur toutes les questions d’ordre général qui lui sont soumises et qui peuvent intéresser indirectement le personnel ;
  3. participer à la gestion des institutions créées ou à créer en faveur du personnel.

Des commissions paritaires régionales sont également prévues. Elles ont pour mission d’examiner les propositions et les réclamations du personnel relatives à l’hygiène, la sécurité, l’organisation du travail et le perfectionnement de la production. Par ailleurs, elles donnent aussi leur avis sur toutes les questions d’organisation du travail qui leur sont transmises par le chef régional, notamment dans le cas où celui-ci jugerait que ces questions peuvent intéresser indirectement le personnel.

Le service du personnel

Diverses unités administratives spécialisées sont mises en place pour assurer l’application des dispositions de la loi et du statut du personnel. Elles se structurent progressivement en un service qui devient bientôt une direction à part entière.

Celle-ci a essentiellement pour tâche :

  • d’élaborer et d’adapter les réglementations applicables au personnel, à partir des dispositions statutaires et des diverses lois générales qui concernent aussi la SNCB ;
  • de s’occuper des relations avec les organisations syndicales ;
  • de recruter le personnel, de le mettre à la disposition des services utilisateurs et d’en assurer la gestion ;
  • de gérer les Œuvres sociales et les pensions.

Ces diverses missions, le service du personnel va les assumer tout au long des années qui passent, dans un environnement fort mouvant : le visage du chemin de fer se transforme sans cesse, car son organisation, ses méthodes et ses moyens techniques évoluent toujours ; le marché du transport des personnes comme celui des marchandises connaissent eux aussi de profonds bouleversements (l’automobile, le camion,...) ; les personnes, les agents changent également, de même que la société dans laquelle le chemin de fer s’inscrit : aspirations différentes, autres conceptions des rapports sociaux, etc. Toutes ces évolutions ont fortement influencé la vie quotidienne, le travail concret de la direction du personnel, ainsi que l’évoquent, entre autres, les quelques aspects particuliers suivants.

Effectifs et qualifications

L’effectif du personnel connaît des variations assez sensibles. Lors de la création de la SNCB, 119 886 agents sont transférés des services de l’Etat dans ceux de la Société. Ce nombre va décroître, rapidement tout d’abord, à la suite de mesures de réorganisation décidées par la nouvelle direction. Le mouvement se prolongera ensuite plus lentement jusqu’en 1937 (85 929 agents). Au-delà, l’effectif connaîtra une nouvelle phase de croissance, pendant les années sombres de la guerre, jusqu’en 1946, où l’on comptera 97 862 cheminots. Depuis lors, ce nombre a de nouveau diminué sensiblement. La modernisation, le changement technique, l’évolution de la société ont, dans l’ensemble de la période, provoqué une baisse de plus d’un tiers de l’effectif de la SNCB.

Bruxelles Midi

Ces diverses variations apparemment simples recouvrent en fait des mouvements variés et assez complexes que le service du personnel a dû maîtriser. Ainsi, même dans les phases de baisse des effectifs, il faut assurer dans une certaine mesure le remplacement des agents arrivant à la pension. Cette opération peut d’ailleurs parfois prendre une grande ampleur, comme par exemple, dans les années 1975-1980, lorsqu’un nombre important d’agents des mêmes classes d’âge, recrutés à la même époque (durant les années quarante) atteignent à peu près en même temps l’âge de la retraite. En outre, avec l’évolution des techniques, bien des métiers ou fonctions du chemin de fer se sont profondément transformés ou ont disparu pour faire place à de nouvelles qualifications. Il en va ainsi, par exemple, pour les serre-freins, les lampistes, les manœuvres-passeurs de tubes à fumée des locomotives, les manœuvres de combustibles, les vanniers, les bourreliers, etc. Tous ces métiers appartiennent au passé et l’on parle maintenant de techniciens électromécaniciens, de conducteurs de traction (électrique ou diesel), de programmeurs, etc. Sans cesse, il a fallu réaliser les transpositions et adaptations nécessaires, pour que le service soit assuré et les intérêts du personnel rencontrés.

Vers une gestion moderne

Dans ce domaine, les efforts de la direction du personnel portent surtout dans deux directions principales.

C’est tout d’abord le développement d’unités de gestion du personnel dans les groupes : les bureaux PS et, pour le secteur des soins de santé et les questions médicales, les centres médicaux régionaux.

L’arsenal de Malines en 1926

Progressivement, ces unités vont, en liaison avec la direction PS, prendre en charge les divers aspects de la gestion du personnel. Les dirigeants des services utilisateurs sont ainsi déchargés d’une bonne part des préoccupations dans ce domaine et ils peuvent se consacrer davantage à la direction fonctionnelle de leur service et de leurs hommes.

Parallèlement, on s’efforce d’appliquer à la gestion du personnel les moyens modernes de traitement des données. Dès que les machines comptables et, ensuite, les premiers ordinateurs le permettent, on réalise par voie mécanographique le calcul des traitements et des pensions. Le numéro d’identification à neuf chiffres, contrôlé par ordinateur, est également introduit : tous les services disposent ainsi d’une référence unique pour toutes les opérations de gestion relatives à chaque agent. Au-delà, ce sont encore les notices biographiques (ensembles de renseignements relatifs aux agents et à leur carrière) qui sont mises sur support informatique. En outre, une intégration et une coordination de plus en plus poussées sont encore recherchées par la direction PS, au fur et à mesure que les possibilités de l’informatique moderne le permettent : travaux informatiques divers, exploitation de statistiques, transmission de données par réseau électronique, etc. L’effort ne s’arrête pas car la recherche d’une plus grande efficacité dans la gestion du personnel demeure un souci permanent.

La formation du personnel.

Lors de la création de la SNCB, il existait au sein des ateliers centraux de la direction du Matériel (et des Achats, à l’époque), une formule d’apprentissage des métiers. La formation était étalée sur trois ans et spécialisée selon la branche choisie : ajustage, tournerie, chaudronnerie, etc.

Ce système connut ensuite plusieurs adaptations tandis que d’autres formations voyaient le jour à leur tour : l’enseignement professionnel s’est ainsi fortement étoffé au fil des années. Il a également connu plusieurs réorganisations, afin d’améliorer toujours davantage la sécurité et la régularité du trafic, de développer les compétences professionnelles des agents et de favoriser leur promotion personnelle.

Braine-le-Comte en 1843

Cet enseignement comprend ainsi maintenant l’initiation obligatoire durant le stage ou l’essai, ainsi que la formation, le perfectionnement et la spécialisation du personnel, en liaison avec les directions intéressées. Des cours de seconde langue en laboratoire sont en outre dispensés aux gardes qui doivent présenter un examen linguistique devant le Secrétariat permanent de recrutement du personnel de l’Etat. Au total, l’action en matière de formation professionnelle s’est traduite par un effort permanent de développement et de renouvellement, pour accroître les connaissances des agents et leur permettre ainsi de s’adapter aux diverses mutations auxquelles le chemin de fer doit sans cesse faire face.

Malines vers 1840

1835 -1985 :150 ans d’existence des chemins de fer, pendant lesquels le service du personnel s’est progressivement structuré et a entamé puis développé le dialogue avec les organisations représentant les agents. 150 ans au cours desquels ce service a de plus en plus tenu compte des multiples changements économiques, sociaux et techniques ayant une incidence sur le personnel pour les appliquer en s’efforçant sans cesse de rechercher tant l’intérêt de la Société que celui de ses agents.


Source : Le Rail, mai 1985