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Les transports internationaux de marchandises : les décomptes entre réseaux

E. Lommel.

mercredi 15 juin 2011, par rixke

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Sans doute vous êtes-vous déjà demandé comment se règlent entre réseaux les dettes et les créances réciproques qui résultent des transports internationaux de marchandises. Aussi nous proposons-nous de vous entretenir de cette question et, pour le faire, nous pensons que le mieux sera de suivre tout simplement un transport international.

Imaginons que vous ayez à expédier par chemin de fer des marchandises de Bruxelles à Rome. C’est la première fois que cela vous arrive. Etes-vous embarrassé ? A vrai dire, il n’y a aucune raison de l’être. Chaque mois, des dizaines de milliers d’envois - de toute nature et dont les poids varient de quelques kilos à plusieurs centaines de tonnes - se font au départ de nos gares à destination de l’étranger, nous parviennent de l’extérieur ou empruntent les lignes belges en transit.

L’agence commerciale de la S.N.C.B. la plus proche et le personnel de la gare voisine ne demandent qu’à vous conseiller et à vous aider.

Vous êtes en possession des autorisations nécessaires pour exporter votre marchandise et pour l’importer en Italie, et cette marchandise se trouve en gare, soit que vous ayez chargé le chemin de fer de sa prise à domicile, soit que vous ayez fait le nécessaire pour l’y conduire.

 La lettre de voiture.

Le préposé à l’acceptation vous remet un formulaire de lettre de voiture internationale. Il comporte cinq feuillets superposés de la même présentation et ayant chacun sa destination propre. Vous avez à les compléter simultanément par décalque.

Que faut-il y mentionner ?

Le transport doit se faire sous certaines conditions. Il importe de les fixer afin que toutes les parties intéressées - l’expéditeur, le chemin de fer et le destinataire -, qui recevront chacun un exemplaire de la lettre de voiture, en aient connaissance et puissent s’y conformer.

Vous mentionnerez : la gare de destination, le nom et l’adresse du destinataire, la demande éventuelle de prestations accessoires (pesage, comptage, chargement, bâchage du wagon, etc.), le poids de la marchandise sa dénomination et son conditionnement (nature de l’emballage, le nombre de colis, le numéro du wagon quand il s’agit d’une « charge complète »), la date, votre nom, votre adresse.

Viennent ensuite les prescriptions pour le paiement des divers frais. Les frais qui résultent du transport de marchandises pour l’étranger peuvent, selon les convenances de l’expéditeur, être payés en totalité ou en partie, par lui ou par le destinataire. Vous inscrivez donc dans la rubrique « prescriptions d’affranchissement » celle qui vous convient : « franco de tous frais » [1], « non franco », « franco frontière », « franco pour tant de francs », etc.

Vous pouvez, le cas échéant, demander à la gare de départ qu’elle vous paie immédiatement le montant des frais que vous avez engagés à l’occasion du transport, tels les frais de camionnage, d’entreposage, de démarches, à inscrire dans la rubrique « débours ». Il vous est également loisible de prescrire que votre marchandise ne soit livrée au destinataire que contre paiement de sa valeur de vente, dont vous aurez à fixer le montant dans la rubrique « remboursement ».

Enfin, il y a lieu de mentionner les tarifs dont vous demandez l’application (voir ci-après) et l’itinéraire à suivre par l’envoi.

Après s’être assuré de la rédaction régulière de la lettre de voiture et de la présence des documents pour la douane, le préposé appose l’empreinte du timbre dateur de la gare sur les feuillets de la lettre de voiture. A ce moment, le contrat de transport est conclu. Si vous n’intervenez pas dans le paiement de frais, le feuillet « duplicata de la lettre de voiture » vous est remis immédiatement à titre de récépissé ; si vous payez des frais, ceux-ci seront calculés et inscrits au récépissé avant qu’il vous soit remis.

 Taxation.

D’après les données de la lettre de voiture (nature et poids de la marchandise, tarif demandé, itinéraire à suivre, etc.), il est procédé a la taxation. Le transport est, selon le cas, taxé pour le seul parcours belge ou pour le parcours belgo-luxembourgeois, aux prix des tarifs internes de la S.N.C.B. ou d’après ceux du tarif international applicable.

On appelle « tarif international » celui qui comporte des prix unitaires couvrant, outre le parcours du réseau de départ, celui d’un ou de plusieurs réseaux étrangers subséquents. Ces prix unitaires peuvent être « globaux » pour l’ensemble des parcours couverts par Ie tarif ou « séparés » pour chacun des parcours nationaux intéressés.

Les frais calculés par la gare de départ sont mentionnés sur la lettre de voiture : ceux qui sont à payer par l’expéditeur, dans la colonne « port payé » ; ceux à charge du destinataire, dans la colonne « port dû ». Le montant des frais payés par l’expéditeur est encaissé et il est inscrit en recette dans le livre de caisse de la gare. Le débours et le remboursement y sont comptabilisés « en dépense ».

De l’expéditeur au destinataire, avec un éventail de paiements possibles : les frais qui résultent du transport peuvent, selon les convenances de l’expéditeur, être payés en totalité ou en partie, par lui ou par le destinataire.

 Bulletin d’affranchissement-reprise.

Lorsque l’expéditeur prescrit dans la lettre de voiture qu’il entend payer, en plus des frais que la gare de départ a pu déterminer et encaisser au moment de l’acceptation, d’autres frais qui surviendront par la suite au cours du transport, la gare de départ joint à la lettre de voiture une note de débit - dénommée « bulletin d’affranchissement - reprise » - sur laquelle en cours de route les gares intéressées inscrivent successivement les frais qu’elles portent en compte et qui sont à payer par l’expéditeur. La gare d’arrivée porte cependant ces montants en recette dans ses écritures, renvoie la note de débit à la gare de départ - qui en encaisse les montants de l’expéditeur - et reporte le découvert qui en résulte - comme une avance de fonds faite à la gare de départ - sur son administration centrale. Cette dernière en recouvre le montant du réseau de départ dans le décompte du trafic (voir ci-après).

 Taxations subséquentes.

Les parcours qui n’ont pas été taxés par la gare de départ le sont par les gares étrangères intéressées. Les frais sont inscrits sur la lettre de voiture dans la colonne « port dû », et éventuellement sur le « bulletin d’affranchissement-reprise ».

La gare d’arrivée s’assure que chacun des parcours empruntés par le transport a été taxé et provoque la régularisation des omissions. Elle encaisse du destinataire les frais dont celui-ci est redevable, lui livre la marchandise contre décharge et lui remet la lettre de voiture. Le contrat de transport est ainsi complètement exécuté.

 Décompte entre réseaux.

Nous venons de voir que, pour cet envoi de Bruxelles à Rome, compte tenu des prescriptions de la lettre de voiture, la gare de Bruxelles :

  • peut, d’une part, avoir été amenée à payer à l’expéditeur des avances de frais (débours et remboursement) que la gare de Rome a dû percevoir du destinataire et dont les Chemins de fer italiens nous sont donc redevables ;
  • peut, d’autre part, avoir perçu de l’expéditeur des frais qui se rapportent à des parcours étrangers dont nous sommes débiteurs vis-à-vis de ces réseaux. Tel est notamment le cas lorsque les frais de transport dus par l’expéditeur ont été calculés au départ aux prix d’un tarif international.

D’un autre côté, la gare de Rome doit encaisser du destinataire tous les frais qui sont à sa charge. Les Chemins de fer italiens sont donc, éventuellement, ainsi débiteurs de frais relatifs à des parcours étrangers.

Comment se règlent entre réseaux les dettes et les créances réciproques qui naissent ainsi des transports internationaux ?

Tous comptes faits, c’est le réseau d’arrivée qui paie finalement au réseau de départ et aux réseaux de transit les montants auxquels chacun d’eux a encore droit...

Voici la manière de procéder.

Il a été convenu qu’il incombe à l’administration d’arrivée - qui a assuré la livraison de l’envoi et où le contrat de transport s’est terminé - d’établir le décompte des frais revenant à chacun des réseaux empruntés sans égard au fait que les frais à décompter ont pu être payés à la gare de départ ou à celle d’arrivée de l’envoi.

Nous avons dit plus haut que la gare de Bruxelles, pour l’envoi qui nous occupe, a pu inscrire dans son livre de caisse : en recette, le port encaissé au départ ; en dépense, le débours et le remboursement payés à l’expéditeur. Pour la justification, vis-à-vis de la direction des Finances, de cette perception et de ces paiements, cette gare a dû établir un relevé des expéditions sur lequel elle a inscrit le montant des frais que, pour cet envoi, elle a portés en compte et qu’elle a inscrits sur la lettre de voiture, soit donc, selon le cas, le « port perçu », le « débours », le « remboursement » et le « port dû ». Il va de soi que les montants repris au relevé des expéditions doivent être en concordance avec les montants correspondants du livre de caisse.

A l’expiration du mois, ce relevé - qui en somme fait office de facture - est communiqué par la direction des Finances aux Chemins de fer italiens, pour décompte. De leur côté, les administrations de transit intéressées envoient chacune au réseau destinataire leur relevé de transit sur lequel elles ont inscrit le montant des frais survenus sur leurs parcours et que leurs gares ont mentionnés au passage sur la lettre de voiture.

Après s’être assuré - par l’examen des écritures à l’arrivée de la gare de Rome et du feuillet « feuille de route » de la lettre de voiture - de l’exactitude des montants repris respectivement aux « factures » des chemins de fer de départ et de transit, le réseau d’arrivée paiera à chacun d’eux le montant auquel il a droit en tenant compte de ce que, tant au départ qu’à l’arrivée, des sommes peuvent avoir été encaissées pour le compte d’administrations étrangères.

Le règlement effectif se fait dans la monnaie nationale du réseau auquel le paiement doit se faire. Si les montants à payer sont exprimés dans une monnaie autre que celle du réseau « créditeur » les montants sont, au préalable, convertis dans sa monnaie nationale.


Source : Le Rail, juin 1967.


[1Franco : c’est-à-dire pratiquement : « Je désire payer ».