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Un peu d’histoire…

Phil Dambly.

mardi 6 décembre 2011, par rixke

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Bruxelles, gare du Midi-Une énorme « diesel » promène son gros nez vert et jaune sur les aiguilles, puis aborde le quai où l’attend le train qu’elle emmènera au galop de ses deux mille chevaux. Un peu plus loin, une BB « tricourant », dans sa belle livrée bleue, s’apprête à bondir sous l’écheveau des caténaires, en tête d’une prestigieuse rame TEE.

Les cheminots aiment bien leurs nouvelles locomotives et ils les apprécient à juste titre. Cependant...

« Cela nous fait quelque chose, la fin de la vapeur, déclarait un conducteur de CC, ancien machiniste ; plus de chaudières rougeoyantes, de fumées, de « gueules noires... ». Ce cheminot était sans doute sentimental, mais en est-il parmi nous qui fussent insensibles à la magie de la vapeur ?

Pourtant, le temps est proche où vont disparaître à jamais le panache et le halètement de celles que certains qualifient de « vieux chaudrons » et dont les amateurs de pittoresque garderont la nostalgie. Nous n’oublierons pas ces engins remarquables et si attachants, grâce auxquels les noms d’inventeurs belges tels que Belpaire, Walschaerts et Flamme furent portés aux quatre coins du monde.

Avant de commencer la rétrospective des « machines » que l’on vit circuler en Belgique, nous sommes bien obligés, pour alléger notre exposé, de rappeler au préalable quelques notions d’histoire et de décrire brièvement l’évolution de la technique. Cette introduction n’apprendra rien aux spécialistes ; elle n’a d’autre but que de préparer les jeunes lecteurs à mieux comprendre l’épopée de nos « vapeur ».

 Création des Chemins de fer belges

La Belgique peut s’enorgueillir, à juste titre, d’avoir dessiné le premier réseau de voies ferrées du continent.

Après la révolution de 1830, le Gouvernement fit entamer l’étude d’un chemin de fer reliant Anvers à la Meuse et au Rhin. On craignait, en effet, de voir la Hollande entraver les relations commerciales entre notre port, la mer et les deux fleuves. Cette mission fut confiée aux ingénieurs Simons et De Ridder.

Le 1er mai 1834, Léopold 1er signait une loi définissant le principe d’exploitation du réseau.

La construction de la première ligne, de Bruxelles à Malines, fut réalisée en un an. Celle-ci allait devenir l’embryon du réseau ferré le plus dense du monde.

Bruxelles, 5 mai 1835

Le 5 mai 1835, le train inaugural quittait la gare de Bruxelles-Allée Verte. Il était divisé en trois tronçons, remorqués respectivement par les locomotives « La Flèche », « Stephenson » et « L’Eléphant ». Ces machines, appelées « remorqueurs » à l’époque, avaient été livrées par les Ateliers Robert Stephenson de Newcastle. En juillet et en août, ces ateliers fournirent encore les machines « La Rapide » et « L’Eclair ».

Modèle en vraie grandeur de la locomotive « Le Belge » de 1835 et locomotive n° 421 du Nord Belge côte à côte dans la cour des usines Cockerill. Photo prise à Seraing en 1927.

La première locomotive de construction nationale, « Le Belge », sortit le 30 décembre des Ateliers John Cockerill de Seraing.

 L’Etat et les compagnies

En 1843, l’Etat avait construit 559 km de lignes, et le rail accédait à la plupart des centres importants. Il atteignait l’Allemagne par Verviers, la France par Mouscron et Quiévrain, l’Angleterre via Ostende. L’Etat pouvait alors abandonner à l’industrie privée l’établissement de lignes secondaires.

La première concession fut celle de la ligne d’Anvers à Gand par le pays de Waes. Cette ligne à voie étroite (1,140 m), longue de 49 km, fut inaugurée en 1847.

De 1845 à 1846, plusieurs concessions furent octroyées à des capitaux anglais. Pendant cette « période anglaise » ont été fondés les chemins de fer de la Flandre Occidentale, de Tournai à Jurbise, de Saint-Trond à Hasselt, de Charleroi à Louvain (par Fleurus, Ottignies, Wavre), de Namur à Liège, de Mons à Manage, de Manage à Wavre, de Charleroi à la frontière de France (Charleroi-Erquelinnes), de la vallée de la Dendre (Ath-Alost), de l’Entre-Sambre-et-Meuse (lignes desservant Charleroi, Walcourt, Florennes, Philippeville, Mariembourg, Couvin, Givet, Vireux) et de la Grande Compagnie du Luxembourg.

La concession de la Grande Compagnie du Luxembourg (1846) comportait la construction de la ligne de Bruxelles à Arlon et son prolongement jusqu’aux frontières du Grand-Duché et de la France, ainsi que la construction de la ligne de l’Ourthe, de Marloie à Liège. L’exploitation de la section Bruxelles-Quartier Léopold - La Hulpe commença en 1854, et la ligne du Luxembourg fut inaugurée en 1859.

En 1852, s’ouvrit la « période belge ».

Le chemin de fer de Liège à Maestricht (par Liège-Longdoz, Jupille, Visé) fut inauguré en 1861 et celui de Gand à Terneuzen (par Zelzate) entièrement ouvert au trafic en 1869.

La construction du chemin de fer de Malines à Terneuzen, commencée en 1868, fut terminée en 1872.

Une fois les lignes concédées construites, l’exploitation était soit entreprise par les compagnies, soit aussi remise à l’Etat moyennant abandon d’une partie de la recette aux concessionnaires ou moyennant le paiement d’une rente annuelle. D’autre part, des sociétés privées construisirent 436 km de lignes à forfait pour le compte de l’Etat, telles les sections de Tamines - Mettet, de Jemelle - Rochefort, d’Athus - Gedinne. D’autres lignes, dont les exploitants éprouvaient des difficultés, furent reprises par l’Etat, notamment la ligne de Mons à Manage, en 1858, et celle de Spa à Pepinster, en 1872.

La Société générale d’Exploitation, fondée en 1864, groupait les chemins de fer de la Flandre Occidentale, Hainaut-Flandres, de Gand à Terneuzen, de Furnes à Lichtervelde, de Manage à Wavre, des Bassins Houillers, etc. Elle fut reprise en deux étapes : 601 km de lignes en 1870 et 249 km en 1878. Le chemin de fer de la Flandre Occidentale avait repris son exploitation autonome en 1877 tandis que les autres lignes des Flandres étaient exploitées par un « Syndicat d’Exploitation » depuis 1876.

En décembre 1868, la Grande Compagnie du Luxembourg avait conclu, avec la Compagnie de l’Est français, un traité en vertu duquel cette dernière acquérait les lignes d’Arlon à Bruxelles et à Liège. Le Gouvernement, qui craignait une dénationalisation du réseau, réagit aussitôt et déposa, en février 1869, un projet de loi, qui fut voté à une très forte majorité. Cette loi interdisait aux compagnies de chemin de fer de céder les lignes dont elles étaient concessionnaires sans l’approbation du Gouvernement. Le rachat de la Grande Compagnie du Luxembourg par l’Etat fut réalisé par la Convention de janvier 1873.

Auparavant, la Compagnie du Nord français avait pris à bail les chemins de fer de Namur à Liège et de Charleroi à Erquelinnes, en 1854, ainsi que la section belge de la ligne de Mons à Hautmont (Mons - Quévy), en 1858. Telle fut l’origine de la Compagnie du Nord Belge. La ligne de Namur à Givet, entièrement ouverte au trafic en 1863, fut directement incorporée au Nord Belge. Entre Charleroi et Namur, le trafic direct de cette compagnie transitait sur le réseau de l’Etat, bénéficiant du droit de circulation par péage.

Le chemin de fer de Chimay, fondé en 1858, reliait Hastière à Anor, par Mariembourg et Chimay.

Le chemin de fer de Morialmé à Châtelineau (1855) fusionna avec celui de Charleroi à Louvain (1855) pour former la Société de l’Est Belge, en 1859.

Créé en 1863, le chemin de fer Liégeois-Limbourgeois reliait Liège-Vivegnis à la frontière hollandaise par Tongres, Hasselt et Neerpelt.

Le Grand Central Belge fut constitué en 1864 par la fusion des chemins de fer de l’Est Belge, de l’Entre-Sambre-et-Meuse et de la Compagnie d’Aix-la-Chapelle à Maestricht, Hasselt et Landen, auxquels on ajouta la section belge du chemin de fer d’Anvers à Rotterdam et les lignes concédées, quelques années auparavant, à la Société des Chemins de fer du Nord de la Belgique.

Le chemin de fer de Hasselt à Maeseyck fut inauguré en 1874 ; celui de Saint-Ghislain à Erbisœul en 1876 et celui de Virton en 1873.

Il y eut tant de concessions qu’en 1870, l’Etat n’exploitait que 869 kilomètres des 3.136 du réseau.

Il absorba le chemin de fer de Virton en 1880, celui de Saint-Ghislain à Erbisœul en 1879, celui d’Anvers à Gand en 1896 et le Grand Central en 1897.

Le chemin de fer Liégeois-Limbourgeois, qui était exploité par les Staatsspoorwegen néerlandais depuis 1866, fut racheté par l’Etat en 1896.

La reprise du chemin de fer de Liège à Maestricht fut effectuée en 1899.

Le chemin de fer Hesbaye-Condroz (Statte - Landen et Statte - Ciney) fut ouvert au trafic en 1876. L’exploitation fut directement assurée par l’Etat, qui racheta la compagnie en 1900.

La Compagnie de la Flandre Occidentale fut reprise en 1906 et le chemin de fer de Hasselt à Maeseyck en 1912.

L’Etat exploitait alors 4.785 km de lignes, tandis que les compagnies privées n’en exploitaient plus que 275.

En 1926, lors de sa création, la Société nationale des Chemins de fer belges reprit toutes les lignes de l’Etat. Elle engloba la partie belge de la ligne Gand - Terneuzen en 1930, les lignes du Nord Belge le 10 mai 1940, puis elle reprit l’exploitation des lignes de Malines à Terneuzen et de Chimay en 1948.

Dates de mise en service des lignes principales et des reprises successives par l’Etat
Anvers-Gand 1847-1896
Grande Compagnie du Luxembourg 1854-1873
Nord Belge 1854-1940
Spa-Pepinster 1855-1872
Gand-Eeklo-Bruges 1858-1897
Chimay 1858-1948
Liège-Maestricht 1881-1899
Gand-Terneuzen 1869-1930
Liégeois-Limbourgeois 1863-1896
Grand Central Belge 1864-1897
Société Générale d’Exploitation 1864-1878
Hesbaye-Condroz 1876-1900
Flandre Occidentale 1845-1906
Malines-Terneuzen 1872-1948
Hasselt-Maeseyck 1874-1912
Virton 1873-1880

Source : Le Rail, mai 1966

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