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Monsieur Durail et les télescripteurs

lundi 19 avril 2021, par rixke

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M. Durail, toujours aussi guilleret, poursuit ses pérégrinations ferroviaires... Aujourd’hui, mine de rien, il est entré dans l’hôtel des chemins de fer, rue de Louvain, à Bruxelles.

Il entrouvre une porte, lève son chapeau et, dès l’abord stupéfait, demeure dans cette position figée... Devant lui, deux espèces de machines à écrire tapent, à une vitesse vertigineuse, alors que personne n’actionne les claviers. Fasciné comme par un fantôme, M. Durail, après avoir baissé le bras, s’approche à petits pas, en roulant son melon vers la gauche : il ne comprend pas.

Le chef-dispatcher s’en aperçoit et s’empresse de lui donner quelques explications. M. Durail sourit bientôt, et, à mesure qu’il écoute, le melon tourne de plus en plus, mais vers la droite cette fois : il a compris. Où donc avait-il la tête ? Il ne s’agit ni de fantôme ni de l’« automation » du travail dactylographique, mais simplement d’appareils téléscripteurs...

 Comment fonctionne un téléscripteur

M. Durail fixe les appareils, mais, pendant un court moment, il ne les voit plus. Son imagination, qui, à son âge, le reporte volontiers en arrière, le transporte devant une petite table, alors que, jeune cheminot, il recevait et transmettait des télégrammes en morse...

Ici, plus besoin de cet alphabet fait de barres et de points ; on frappe sur un clavier, et les messages sont enregistrés directement à destination, en caractères typographiques.

"En somme, déclare M. Durail, je tape sur un clavier de machine à écrire à Bruxelles et le texte s’imprime à Gand, à Herbesthal ou ailleurs...

– Très juste. Voyez ! Pour se mettre en liaison avec un autre téléscripteur, l’opérateur forme le numéro d’appel du poste demandé, comme au téléphone, et, dès que la communication est établie, une lampe s’allume : il peut commencer la transmission du message..."

M. Durail apprend encore, avec intérêt, que d’autres téléscripteurs, un peu plus compliqués, sont munis d’un dispositif perforateur et d’un transmetteur automatique. Si l’opérateur doit envoyer un même message à plusieurs destinataires, il lui suffit de déclencher le perforateur lors de la première transmission, et la bande, perforée suivant un code spécial, permet de communiquer automatiquement le message aux autres destinations. Cette transmission automatique se fait à une vitesse qui dépasse les possibilités humaines : 430 lettres à la minute.

 Avantages et utilisation des téléscripteurs

Maintenant qu’il n’ignore plus rien du fonctionnement des téléscripteurs, M. Durail, selon son habitude, met en branle le puissant esprit de déduction dont il est doué, et c’est ainsi qu’il se représente facilement les avantages du système : rapidité des transmissions, enregistrement possible à destination pendant les heures de fermeture du bureau, possibilité d’échanger des conversations « télédactylographiées », vérification facile, puisque l’appareil émetteur enregistre aussi le texte transmis...

"Tout cela est bien, ajoute tout haut M. Durail, mais dans quelle mesure ces avantages rendent-ils service ?

– Voici, monsieur, quelques chiffres pour vous édifier. Rien que pour la direction centrale, la moyenne des transmissions et des réceptions s’élève à 250 par jour, avec des pointes de 350 à 400 pendant la période estivale.

– Et que peuvent-ils bien contenir, tous ces messages ?

– Des relations d’accidents, des annonces relatives à l’organisation de trains spéciaux ou aux renforcements qu’il faut prévoir pour des trains de voyageurs, des avis concernant soit des transports spéciaux, soit certains courants de transport, des demandes de renseignements au sujet d’expéditions en retard, en bref, tous les messages urgents de service.

– Quant aux destinations que vous pouvez atteindre...

– Elles sont nombreuses et variées. Des six appareils dont dispose notre service, quatre permettent de communiquer avec le téléscripteur des Chemins de fer néerlandais à Utrecht et avec une vingtaine d’autres, répartis sur tout notre réseau : au siège de chaque groupe, dans des gares ou des postes importants (comme Schaerbeek, Anvers-Nord, Herbesthal, Bruxelles-Midi, Ronet), à la Direction Commerciale, à la Direction de l’Electricité et de la Signalisation et au service des dérangements de Bruxelles-Nord.

– Les deux autres ?

– Ils sont, M. Durail, en liaison directe avec Cologne, Lille et Luxembourg...

– Vos réponses, monsieur, sont brèves, directes et précises, comme vos messages. Cela me plaît, et je vous en remercie. Un mot encore : quelles sont les perspectives d’avenir de votre service ?

– Pour ceci, M. Durail, la parole est aux techniciens. Nos ingénieurs s’intéressent spécialement à la question et suivent de près les progrès réalisés en cette matière. Nous croyons pouvoir dire que les études s’orientent vers la transmission « en conférence » (autrement dit, la transmission simultanée d’un message multiple à tous les destinataires), vers l’automatisme des relations internationales et vers l’équipement des services où ce mode de transmission est utile...

– Merci, monsieur... « Les deux interlocuteurs se regardèrent, eurent tous deux la même idée et lancèrent en même temps un mot, un seul, qui les fit bien rire : »Terminé !"


Source : Le Rail, juin 1957