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La neige et les trains

J. Van Thielen.

mercredi 12 juin 2013, par rixke

Le gel et la neige ont toujours eu un effet néfaste sur la régularité du service des trains : il leur arrive même de compromettre sérieusement la sécurité du trafic.

En s’amassant dans les appareils de voie, la neige se tasse entre le contre-rail et la partie mobile de l’aiguillage : elle empêche ainsi la manœuvre de l’appareil en question et par conséquent la mise au passage des signaux concernés, entravant par le fait même la marche des trains. Par ailleurs, les quais ainsi que les pistes de circulation rendus glissants par l’enneigement présentent un danger évident tant pour les voyageurs que pour le personnel.

Le long des voies bordées d’arbres, la neige s’accumulant sur les branches peut les faire plier, et parfois les casser : en tombant sur la voie, elles constituent alors un obstacle, aussi dangereux que les congères qui peuvent se former dans les voies en déblai, bloquant alors complètement le passage.

 Un fidèle ennemi

II est donc notoire que de tout temps les chutes de neige ont créé de sérieux problèmes aux cheminots, et la manière dont ceux-ci les ont affrontées s’est modifiée au fil des époques, compte tenu des moyens techniques mis à leur disposition, ainsi que de l’expérience acquise. Depuis les origines des chemins de fer, pas mal d’obstacles ont été vaincus, mais l’hiver a plus d’un tour dans son sac et ses offensives, souvent imprévisibles, quels que soient les progrès de la météorologie, nous causent encore bien des soucis. Pour combattre cet ennemi avec le plus d’efficacité, des brigades spécialisées ont été créées. Leur organisation, méticuleusement étudiée et réglementée, permet une intervention rapide et payante dès la première alerte.

Ces brigades sont constituées pour la plus grande part d’agents du Service V. aidés, surtout lorsqu’il s’agit de travaux de déblaiement en gare, par du personnel des Services E et ES. Une consigne reprend, par gare ou par poste de signalisation, l’effectif indispensable de ces brigades, l’organisation et la répartition des tâches dévolues aux différents Services, ainsi que les divers matériaux ou matériels mis à leur disposition. Lorsque des chutes de neige sont prévues par les bulletins météo (nos services en reçoivent copie journellement en période hivernale), l’information est répercutée à tous les services intéressés, qui prennent alors les mesures adéquates. Si ces chutes se produisent pendant les heures de prestation normales des brigades de voie, celles-ci rejoignent sans tarder les postes qui leur ont été assignés.

Par contre, si cela se passe en dehors de ces heures, les agents désignés sont convoqués à leur domicile : et lorsque la nécessité l’exige, on peut faire appel à des agents résidant en dehors de la zone où sévit la neige, agents que l’on va quérir à domicile au moyen d’une camionnette et qu’on achemine à pied d’œuvre.

L’institut météorologique est parfois pris au dépourvu. Il va sans dire que dans ce cas-là, il s’agit d’improviser très rapidement, ce qui complique au maximum les interventions du personnel des brigades de neige. Les dangers auxquels sont exposés dans des conditions de travail normales, les agents travaillant dans les voies sont, en cas de déblaiement de neige, bien plus grands encore : en effet, la visibilité est fortement amoindrie lorsque tombe la neige et décroît encore si cela a lieu pendant la nuit. Aussi, non seulement le personnel est confronté là avec des conditions de travail très pénibles, mais il doit en outre faire appel à une vigilance accrue.

La suppression de la traction vapeur a déjà permis de rayer de la liste des corvées inhérentes à la lutte contre le froid la nécessité d’entretenir les feux servant à protéger contre le gel les colonnes d’eau destinées au ravitaillement de ces locomotives.

 Les moyens employés

A l’origine, les méthodes utilisées pour le déblaiement des neiges faisaient appel à une abondante main-d’œuvre, équipée d’un outillage rudimentaire.

Par la suite, dans les gares importantes, les voies étaient dégagées par des locomotives à vapeur, soit à l’aide de cette vapeur, soit par aspersion d’eau chaude.

Actuellement, en dehors d’engins chasse-neige, appartenant au Service M, il est fait appel à différents autres moyens parmi lesquels nous épinglerons :

  • le feu : on fait fondre la neige au moyen d’un outil (appelé communément « crosse d’évêque » en raison de son apparente similitude avec cet attribut épiscopal), constitué d’une barre dont l’une des extrémités, en forme de S, recouverte d’amiante est enduite de pétrole ou de mazout que l’on enflamme et que l’on approche des parties d’aiguillage à libérer ; on utilise aussi des déchets de coton imprégnés de produits identiques et tenus enflammés à l’extrémité d’une pince ; voire des lampes à essence, etc.
  • le sel ou les solutions salées ; ou l’aspersion, aux endroits à dégager, de produits tels que le « carbide » (carbure) qui, au contact de la neige, dégage un gaz combustible que l’on allume ; ou encore en chauffant les aiguilles par combustion de lignite, etc.

Après la dernière guerre, les aiguillages des gares importantes furent équipés de brûleurs au propane (bonbonnes) qui étaient allumés dès que le gel ou la neige étaient prévus ; ce système présentait plusieurs inconvénients, soit lorsque les bonbonnes étaient épuisées, soit, ce qui était plus grave, lorsque la flamme s’éteignait à cause du courant d’air créé par le passage d’un train.

En dernier ressort, depuis les années ’60, le chauffage des aiguilles au moyen de résistances électriques se généralise petit à petit dans les grandes gares ainsi qu’aux principales bifurcations du réseau ; ce procédé est efficace, présente le minimum de sujétion et ne nécessite pas de personnel pour sa mise en service, qui est commandée à distance par un interrupteur situé en cabine.

 Conclusion

Si, comme nous venons de le voir, les progrès techniques réalisés dans le domaine de la lutte contre ces intempéries ont fait un grand pas, il n’en est pas moins vrai que le concours humain est toujours indispensable et le sera encore très longtemps. Ne serait-ce que pour pallier une éventuelle carence de la technique et assurer ainsi le maximum de sécurité.

L’homme sera toujours au service de l’homme !


Source : Le Rail, décembre 1975