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Les TEEM

J. Hazard, inspecteur principal.

mercredi 5 septembre 2012, par rixke

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 Un peu d’histoire

Après les célèbres T.E.E., ces rames de voyageurs qui joignent le luxe à la rapidité, les trains T.E.E.M., qui circulent depuis le 28 mai 1961, offrent aux expéditeurs de nouveaux services, tout en devenant des traits d’union supplémentaires entre les pays d’Europe.

Pourquoi les a-t-on créés ?

Les administrations ferroviaires ont toujours eu soin d’accroître la vitesse des convois de marchandises et de perfectionner l’acheminement des wagons et des colis de détail en trafic international. C’est d’ailleurs un des objectifs permanents de la Conférence européenne des Horaires des Trains de Marchandises, qui date de 1928 et qui se réunit deux fois par an pour établir le L.I.M. (Livret-indicateur international des trains de marchandises).

Mais, face à la concurrence routière, qui devenait tout aussi redoutable sur le plan international que sur le plan intérieur, alors que les échanges entre pays européens augmentaient de plus en plus, on s’était rendu compte qu’il fallait faire du neuf pour améliorer la qualité du service offert, spécialement pour les denrées périssables et les marchandises urgentes non pondéreuses.

En 1955, dans le cadre de l’Union internationale des Chemins de fer (U.I.C.), un groupe de travail composé de représentants des CF.F., de la D.B., de la S.N.C.F. et de la S.N.C.B., avait conclu à la nécessité d’entreprendre une étude sur la modernisation de l’acheminement des trains internationaux de marchandises. Cette étude fut confiée à la 4e commission Exploitation, qui désigna, fin 1957, un groupe de travail, composé de délégués allemands, autrichiens, français et tchécoslovaques, pour qu’il prépare un projet de rapport. Après avoir analysé les caractéristiques des principaux courants internationaux et les conditions dans lesquelles sont acheminés ces transports, notamment en ce qui concerne le franchissement des frontières, ce groupe de travail préconisa, en 1959, la création d’un réseau international de trains de marchandises accélérés, désignés par le sigle « T.E.E.M. » (Trans-Europ-Express-Marchandises), par analogie à ce qui avait été fait, il y a quelques années, lors de la création des T.E.E. pour améliorer le service « voyageurs ».

A la suite de plusieurs conférences, un projet d’organisation fut présenté aux Directeurs des Services du Mouvement, réunis à Locarno en septembre 1960, en sorte que ceux-ci furent à même de confier à un groupement spécial dit « T.E.E.M. » le soin de la réalisation pratique des acheminements envisagés, qui devaient, bien entendu, trouver leur place dans le cadre plus général des horaires préparés par la Conférence européenne du L.I.M.

Ce groupe T.E.E.M. se réunit pour la première fois à Feldkirch, en Autriche, du 8 au 10 septembre 1960, à la diligence des CF.F., administration présidente de ce nouveau groupe, et, à la fin des travaux, les délégués des dix-huit réseaux participants signaient un procès-verbal où étaient jetées les bases du réseau international des trains T.E.E.M.

Une fois de plus dans le monde cheminot, l’existence du « rideau de fer » n’avait pas gêné l’entente entre les administrations de l’Est et de l’Ouest. De nombreuses relations T.E.E.M. empruntent des réseaux situés de part et d’autre du « rideau ».

 Techniquement, qu’est-ce qu’un train T.E.E.M. ?

Un train T.E.E.M. a des caractéristiques propres :

  1. La première est de surclasser ou tout au moins d’égaler le camion sous l’angle de la vitesse commerciale. En conséquence, la vitesse commerciale d’un train de la gare de départ à la gare terminus, stationnements en cours de route et aux frontières compris, doit être, en principe, d’au moins 45 km/h. Si la vitesse maximale admise pour les parcours considérés le permet, les trains T.E.E.M. sont tracés à une vitesse horaire comprise entre 85 et 100 km/h. Une exception ne peut être admise que pour les parcours comprenant des services de ferry-boats ou lorsque des conditions topographiques ne permettent pas d’atteindre cette vitesse ;
  2. Les trains T.E.E.M. sont composés exclusivement de wagons S ou SS (marque internationale pour les wagons aptes à circuler respectivement à 100 et 120 km/h) porteurs du frein continu « voyageurs » ;
  3. Les trains T.E.E.M. circulent sur des distances aussi longues que possible et reçoivent de la part de toutes les administrations le même degré de priorité. Les stationnements en cours de route sont très courts. Les trains sont contrôlés dans leur marche et annoncés pour les besoins techniques et commerciaux. En plus des numéros qu’ils portent sur chaque réseau, ils sont signalés par des numéros ne changeant pas depuis la gare de départ jusqu’à la gare terminus ;
  4. La charge des trains T.E.E.M. est limitée à 1.000 tonnes avec un nombre d’essieux maximal de 100. Jusqu’à concurrence de cette composition, les administrations ont la possibilité d’ajouter aux trains T.E.E.M. des wagons du trafic intérieur à acheminer à longue distance, à condition toutefois que la vitesse commerciale maximale prévue au chiffre 1 soit toujours atteinte ;
  5. A la suite d’accords avec les autorités frontalières, le séjour des trains T.E.E.M. dans les gares frontières ne dépasse pas deux heures en principe.

 Les marchandises transportées.

Les marchandises admises par relation T.E.E.M. sont celles qui nécessitent un transport rapide, telles que les denrées périssables, les animaux vivants, les bières et les vins.

Les wagons transportant des marchandises pondéreuses, telles que les charbons, les ferrailles et les pierres, sont exclus de la composition de ces trains.

Le transport par trains T.E.E.M. ne peut être garanti de bout en bout pour les marchandises qui exigent un arrêt prolongé en cours de route, pour l’accomplissement des formalités douanières, le reglaçage, la visite vétérinaire ou phytopathologique, ou pour la réexpédition.

 Pas de frais supplémentaires.

La nouvelle organisation n’entraîne pas de frais supplémentaires pour la clientèle : les itinéraires repris à l’indicateur T.E.E.M. assurent l’acheminement plus rapide des marchandises sans perception de taxe spéciale.

Les trains T.E.E.M. sont contrôlés dans leur marche et annoncés pour les besoins techniques et commerciaux.

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 L’effort des cheminots.

Les conditions de base ont imposé automatiquement des obligations aux cheminots.

Tout d’abord en ce qui concerne l’accélération des manœuvres. Un exemple : pour assurer la relation directe Anvers - Bâle - Chiasso dans le délai le plus court, chaque réseau doit composer le train de façon la plus simple et suivant un schéma établi : les wagons pour Bâle doivent faire un tout, de même ceux pour Chiasso et au-delà, afin qu’à Bâle on puisse décrocher d’une seule manœuvre toute la rame des wagons pour cette destination et que l’ensemble de ceux destinés à Chiasso puisse poursuivre immédiatement son parcours. Cette façon de procéder exige évidemment plus de travail pour scinder et reclasser les wagons au sein de chaque réseau.

En ce qui concerne le matériel, les cheminots sont astreints à une surveillance particulière : tous les wagons ne réunissent pas les caractéristiques exigées.

Les marchandises pouvant de par leur nature être acheminées par trains T.E.E.M. le sont d’office sans que le client ait à en formuler expressément la demande. Les gares doivent veiller à livrer le matériel approprié, apposer les étiquettes requises sur les wagons et rédiger les documents particuliers.

Il faut aussi que les réseaux organisent la visite technique des wagons de façon que les opérations nécessaires ne soient en aucun cas un facteur de retard. Tout est mis en œuvre pour que cette visite soit entreprise dès l’arrivée des trains T.E.E.M. dans les gares frontières.

Les trains T.E.E.M. font généralement l’objet d’annonces d’administration à administration. Ces annonces, faites le plus tôt possible, comprennent le nombre de wagons et d’essieux, le tonnage brut, la nature des marchandises qui nécessitent un traitement spécial à la frontière. Pour certains trains composés de marchandises de même nature et pour le même pays, les administrations intéressées peuvent convenir d’une annonce faite de l’administration expéditrice à l’administration destinataire et touchant toutes les administrations de transit.

Les irrégularités, notamment les retards des trains T.E.E.M., doivent être annoncées dans les plus courts délais à l’administration cessionnaire, de façon qu’elle puisse prendre en temps utile les mesures nécessaires.

 Les résultats.

Les résultats acquis à ce jour confirment que les buts envisagés par les administrations adhérentes ont été atteints. La durée du trajet Bologne - Londres est passée de 60 h à 44 h ; celle de Narbonne à Copenhague de 75 h à 56 h, et celle de Narbonne à Vienne de 79 h à35 h. Les Anglais et les Belges reçoivent beaucoup plus vite les primeurs venant d’Espagne ; les Allemands sont mieux servis en agrumes d’Espagne ; les principaux centres européens de production et de consommation sont reliés avec plus de rapidité et de régularité.

En ce qui concerne la Belgique, les axes principaux du trafic des marchandises s’insèrent sans exception dans le nouveau réseau européen.

L’organisation T.E.E.M., qui se perfectionne toujours, a apporté d’appréciables améliorations au service de la clientèle du rail, dans un esprit d’intégration européenne et de coordination économique. A notre époque où, dans les pays développés, l’économie « s’allège », c’est-à-dire que le taux de croissance de l’industrie lourde est plus faible que le taux de croissance général, l’appel aux moyens de transport légers s’accentuera. Les trains T.E.E.M. répondront de plus en plus à cette mutation, et la Convention Europ d’autre part, sans cesse améliorée, leur permettra de circuler de plus en plus rapidement et économiquement tant par la réduction des stationnements aux frontières que par l’élimination progressive des « ruptures de charge », en attendant mieux encore, lorsque les barrières douanières de la petite Europe seront définitivement levées et que les avantages que l’on escompte retirer de la mise en service de l’attelage automatique seront réalisés.


Source : Le Rail, novembre 1963