Accueil > Le Rail > Matériel roulant > Voitures > Nouvelles voitures T.E.E. pour la relation Paris - Bruxelles - Amsterdam

Nouvelles voitures T.E.E. pour la relation Paris - Bruxelles - Amsterdam

W. van Rijn, ingénieur principal.

mercredi 17 septembre 2014, par rixke

Toutes les versions de cet article : [français] [Nederlands]

 Un peu d’histoire.

Le groupement T.E.E. est créé en 1954 par sept administrations de chemin de fer [1], afin de doter l’Europe occidentale d’un réseau de trains de luxe rapides reliant les principales villes administratives, politiques ou industrielles.

Le 2 juin 1957, différentes rames automotrices diesel, d’une vitesse maximale de 140 km/h, sont mises en service. Elles connaissent rapidement un grand succès, à tel point que le nombre de places offertes (120 environ) se révèle insuffisant sur certaines relations. A ces rames diesel viennent s’ajouter, en 1961, les automotrices électriques polycourant des C.F.F., qui assurent la liaison entre la Suisse, la France et l’Italie. La capacité de ces rames est aussi limitée.

Dès I960, tenant compte de l’élut d’avancement des travaux d’électrification des réseaux intéressés, la Commission T.E.E. envisage l’emploi de raines remorquées par des locomotives électriques, de façon que la composition des trains puisse être aisément adaptée aux besoins du trafic. Trois administrations, les Chemins de fer français, belges et néerlandais, conviennent alors de remplacer les rames diesel en service sur la relation Paris - Bruxelles - Amsterdam par des trains remorqués par des locomotives électriques polycourant. La S.N.C.F. et la S.N.CB. décident ensuite de construire, en commun, les nouvelles voitures de luxe destinées à cet itinéraire, et chacun de ces deux réseaux commande, d’autre part, les locomotives électriques polycourant nécessaires pour en assurer la traction de bout en bout [2].

 Voitures T.E.E.

En ce qui concerne les voitures, les services techniques de la S.N.C.F. et de la S.N.C.B., après avoir établi, d’un commun accord, les premiers projets à la fin de l’année 1960, décident que le train sera formé de deux « tranches », l’une circulant entre Paris et Bruxelles, tandis que l’autre continuera jusqu’à Amsterdam. Ces tranches pouvant être renforcées en cas de besoin, le nombre de places offertes pourra varier ainsi de 250 à 400. Il est décidé aussi que les voitures appartiendront en propre à chacune des deux administrations, à raison de 70 % en valeur pour la S.N.C.F. et de 30 % pour la S.N.C.B. En outre, les commandes seront réparties entre les deux pays, au prorata des crédits engagés.

Les études préparatoires sont effectuées, en parfaite collaboration, par les deux réseaux. Ceux-ci fixent à 36 le nombre des voitures nécessaires selon la répartition suivante : 11 voitures A88 à couloir central ; 7 voitures A8 à couloir latéral ; 7 voitures-cuisines A5R ; 4 voitures-bar A3R ; 7 voitures-fourgon-générateur A2D8, avec les compartiments de service.

Le cahier des charges prévoit la fourniture de voitures en acier inoxydable, munies d’un grand confort, notamment du conditionnement d’air (chauffage et réfrigération), de sièges à plusieurs positions, d’une installation de haut-parleurs pour la diffusion des annonces et informations aux voyageurs, et d’une isolation thermique et acoustique poussée. Etant donné la faible durée du trajet (2 h 30 entre Paris et Bruxelles), le service des repas sera assuré dans les compartiments à couloir central à la place même du voyageur. Des repas légers pourront, en outre, être servis dans la voiture-bar.

La conception des aménagements et la décoration sont étudiées avec soin, grâce au concours des conseillers artistiques des deux réseaux : MM. L. Stynen, pour la S.N.C.B., et P. Arzens, pour la S.N.C.F.

Un panneau d’extrémité garni d’une œuvre d’art contemporain.

Après examen des offres reçues, les voitures sont commandées : les onze voitures à couloir central, par la S.N.C.B., à la Société « La Brugeoise et Nivelle », à Saint-Michel-lez-Bruges ; les autres voitures, par la S.N.C.F., aux Etablissements Carel-Fouché à Paris.

L’étude est poursuivie en commun sous le contrôle des deux réseaux, de manière à garantir l’unité de conception et la normalisation des fabrications. Une parfaite entente entre les deux constructeurs évite la dispersion des sous-commandes au détriment du prix de revient.

 Dispositions communes à toutes les voitures.

Le châssis et l’ossature de la caisse sont en acier inoxydable 18/8, mis en œuvre et soudé suivant la technique et le procédé Budd. Les extrémités de châssis sont cependant en acier Corten ; elles sont conçues de manière à pouvoir y installer un attelage automatique en lieu et place des organes de traction et de choc actuels.

Les bogies modernes de la S.N.C.F. et de la S.N.C.B. s’étant révélés de même qualité au cours des essais préparatoires et les deux réseaux ayant convenu de faire effectuer l’entretien de tout le matériel en France, il a été décidé d’équiper toutes les voitures de bogies Y 24 de la S.N.C.F. Leur empattement est de 2,300 m, et les roues monoblocs ont un diamètre de 0,920 m.

L’équipement de frein à haute puissance est monté entièrement sur les bogies ; ceux-ci comptent chacun deux cylindres de frein, régleurs et timonerie incorporés.

L’intercirculation est assurée au moyen de passerelles et de raccords à bourrelets du type U.I.C., mais le voyageur est protégé de tout contact avec les bourrelets grâce à deux rideaux de protection.

L’ouverture des portes d’extrémité, à deux vantaux coulissants, s’effectue au moyen d’une commande électropneumatique mise en action par la manœuvre de la poignée. La fermeture est également automatique, mais, si un voyageur se trouve dans la baie, les vantaux reviennent automatiquement en position d’ouverture.

Les portes d’accès sont du type louvoyant-coulissant. Elles sont alignées dans le plan des parois latérales en position fermée. Leur commande est également électropneumatique. L’alternateur tachymétrique, monté sur l’un des essieux du bogie pour la commande du changement de régime du frein à haute puissance, intervient aussi dans le dispositif de fermeture des portes d’accès. Au-delà de la vitesse de 5 km/h, les portes sont bloquées. A l’arrêt, les portes sont manœuvrables individuellement par une pression sur leur poignée qui déclenche l’ouverture automatique. La fermeture de toutes les portes du train est commandée par le chef de train, à partir d’une porte quelconque ; mais si, à ce moment, un voyageur stationne sur la « marche sensible », la porte reste ouverte.

L’installation de conditionnement d’air comprend un système électromécanique à compresseur, avec soufflage d’air épuré et climatisé par le plafond. Des radiateurs électriques d’appoint sont placés sous les sièges. Le réglage de la température est obtenu par des thermostats.

L’air étant climatisé dans les voitures, les baies de fenêtre, de 1,500 m de largeur, sont fixes. Des stores vénitiens sont montés entre les deux glaces ; leur mouvement de descente ou de montée est commandé électriquement à l’intervention de boutons-poussoirs.

L’éclairage est réalisé par tubes fluorescents dans les compartiments et couloirs, par lampes incandescentes dans les locaux annexes.

Des haut-parleurs sont installés dans tous les compartiments. Ils permettent, grâce à un microphone et un préamplificateur disposés dans chaque voiture, de diffuser les annonces dans tout le train.

Toutes les voitures sont soigneusement isolées thermiquement et acoustiquement ; les pertes calorifiques sont minimes et l’insonorisation est excellente.

 Voitures à couloir central (S.N.C.B.).

Ces voitures ont un grand compartiment unique, à huit travées, avec 46 sièges individuels disposés en double rangée d’un côté et simple rangée de l’autre côté de la voiture. Les sièges peuvent, au gré du voyageur, être placés dans la position « repas », c’est-à-dire avec dossier presque vertical, dans la position « relaxe » avec dossier fortement incliné, dans toute autre position intermédiaire, ou encore dans une position « dégagement », c’est-à-dire écarté de la table, ce qui permet de prendre place commodément ou d’avoir plus facilement accès au porte-bagages.

Voiture à couloir central S.N.C.B.

Les tables peuvent être escamotées dans un coffre placé sous les baies.

Les porte-bagages sont longitudinaux.

Les tubes fluorescents sont disposés dans la partie centrale du plafond et abrités derrière des diffuseurs en matière plastique translucide.

Les parois sont revêtues de similicuir clair, les sièges sont garnis de tissu de nuance verte ou brique, le tapis est marron et noir. Cette harmonie crée une ambiance très agréable.

Les panneaux d’extrémité des compartiments sont garnis d’œuvres d’artistes belges et qui représentent une large gamme de l’art belge contemporain.

Sur l’une des plates-formes se trouvent un W.-C. el une toilette, sur l’autre un W.-C. et un local d’appareillage électrique. Les locaux sanitaires sont équipés notamment d’une distribution d’eau froide et d’eau chaude, de prises pour rasoir électrique, d’un miroir à trois faces. Sur chacune des plates-formes se trouvent en outre une case à bagages et un vestiaire.

L’accès du compartiment se fait par une large porte entièrement vitrée, à deux vantaux, à commande électropneumatique identique à celle des portes d’intercirculation.

 Voitures à couloir latéral (S.N.C.F.).

Ces voitures à huit compartiments, chacun de six places, ont une cloison longitudinale entièrement vitrée, ce qui leur donne un aspect assez inhabituel mais très décoratif. Des rideaux peuvent être tirés devant ces glaces.

Les sièges individuels peuvent être avancés, le dossier s’incline, et l’appui-nuque est réglable en hauteur.

Les parois revêtues d’un similicuir granité de teinte claire, les sièges garnis de tissu de nuance verte ou rouge, le tapis de teinte grise, les rideaux gris foncé, créent un ensemble très harmonieux.

 Voitures-cuisines (S.N.C.F.).

Ces voitures comportent un compartiment à cinq travées à couloir central, avec les mêmes dispositions et garnissage que les voitures à couloir central, mais les sièges sont garnis d’un tissu mordoré. En outre, un ensemble « cuisine-office-cave à vin » est équipé d’une cuisinière électrique, d’un chauffe-plats, d’une machine à café, d’armoire frigorifique, d’armoires, d’étagères, etc.

 Voitures-bar (S.N.C.F.)

Ces voitures ont un compartiment à trois travées, à couloir central, installé comme le compartiment correspondant des voitures-cuisines. Elles comportent, en outre, une grande salle de consommation, garnie d’un long meuble-bar et d’un ensemble de tables et chaises. La partie arrière du bar est en communication avec un office équipé pour la préparation de repas légers.

Voiture-bar S.N.C.F.

 Voitures-fourgons (S.N.C.F.).

Outre le compartiment à bagages, les voitures-fourgons ont deux compartiments pour les agents de la sûreté et de la douane, un compartiment avec lavabo et une banquette pouvant être utilisée éventuellement comme couchette pour un malade, un compartiment pour le chef de train et, enfin, un local pour le groupe diesel-alternateur, ses dispositifs de sécurité, de régulation, et ses tableaux de commande et de contrôle.

Ce groupe générateur fournit du courant alternatif triphasé 660 V à 50 périodes. C’est ce courant qui alimente toutes les installations électriques du train :

  • En 660 V à 50 périodes : tous les appareils de chauffage ;
  • Après transformation sur chaque voiture : en 380/220 V - 50 périodes, les moteurs du conditionnement d’air et des stores, les appareils électroménagers ; en 24 V continu, les ventilateurs du conditionnement d’air, la charge de la batterie d’accumulateurs, l’éclairage et les circuits de contrôle.

En cas de défaillance du groupe générateur, les circuits d’éclairage et de contrôle peuvent ainsi être alimentés directement par la batterie d’accumulateurs. Cependant, les lampes fluorescentes sont alimentées en 220 V par des convertisseurs individuels qui reçoivent soit le courant redressé à 24 V, soit le courant continu 24 V de la batterie.

L’installation d’un groupe diesel-alternateur peut sembler superflue à première vue puisque le train circule sur des lignes électrifiées et que le courant nécessaire aux diverses installations pourrait donc être capté à la caténaire et transformé à la tension voulue. Du courant pourrait être produit aussi par des génératrices d’essieu. Mais un examen approfondi de cette question a montré que la solution la plus intéressante était celle du groupe générateur. Elle permet une simplification des installations et présente, en outre, l’avantage de permettre l’alimentation du train sans attendre l’arrivée de la locomotive, notamment pour le préconditionnement de l’air et le service des cuisines.

Les premières voitures ont été mises en service le 31 mai dernier pour les trains T.E.E. « Ile-de-France » (Paris - Bruxelles - Amsterdam et retour) et « Brabant » (Paris - Bruxelles et retour). Le 2 août, elles ont assuré aussi les trains T.E.E. « Etoile du Nord » (Paris - Bruxelles - Amsterdam et retour) et « Oiseau Bleu » (Paris - Bruxelles et retour). Elles ont déjà été très favorablement accueillies par les voyageurs et on peut raisonnablement estimer que ce nouveau matériel de haut niveau répond pleinement au but fixé.


Source : Le Rail, octobre 1964


[1Chemins de fer fédéraux suisses IC.F.F.) ; Chemins de fer luxembourgeois (C.F.L.) ; Deutsche Bundesbahn (D.B. ) ; Ferrovie dello Stato (F.S. ) ; Nederlandsche Spoorwegen (N.S. ) ; Société nationale des Chemins de fer belges (S.N.C.B.) ; Société nationale des Chemins de fer français (S.N.C.F.).

[2Voir « Le Rail » n° 75 et 96.