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La délivrance des billets

R. Bernier.

mercredi 28 janvier 2015, par rixke

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Un problème résolu en Belgique

Quand, au guichet d’une gare, un client demande un titre de transport et que le préposé lui délivre le carton matérialisant les kilomètres de voyage qu’il achète, l’opération apparaît des plus simple. De son bref passage au bureau des recettes, le voyageur ne retire pas l’impression que la délivrance des billets a posé pas mal de problèmes. Il ne pense pas, le voyageur, à l’impression des billets, à leur stockage et aux travaux de comptabilisation ; il ne pense pas qu’en raison des diverses réductions accordées et compte tenu des deux classes de voiture, il existe quatorze barèmes de prix !

 Les casiers à billets préimprimés.

Vous rappelez-vous les hauts casiers que nécessitait le système de distribution au moyen de billets préimprimés ? Quel encombrement dans les bureaux des recettes et quel aspect peu esthétique était le leur ! Il fallait stocker des dizaines de millions de cartons. Et, lors des modifications de tarifs, les prix imprimés devaient être modifiés à la main, des millions de fois, jusqu’à épuisement des stocks !

Encombrement, complication, aspect peu esthétique des anciens bureaux de recettes.

Quand on a créé les billets dits « multiples » groupant plusieurs gares de destination sur un même carton (quatre au maximum) et quand on a instauré l’approvisionnement « unique » par gare au lieu de l’approvisionnement particulier par guichet, on a certes amélioré le système. Néanmoins, la comptabilisation de la recette, le contrôle des écritures et des stocks ainsi que l’établissement des statistiques continuèrent d’exiger des opérations nombreuses et assujettissantes.

 Les grandes machines imprimantes.

La plupart des réseaux se sont attachés à trouver une solution technique au problème, et c’est ainsi qu’on a équipé des guichets de machines qui, au moment même de la délivrance, impriment les billets et enregistrent la recette.

Billet a destinations multiples.

Si vous avez voyagé à l’étranger, vous avez certainement pensé que les mécaniques qui, dans certains pays, « sortent » les petits cartons, sont bien volumineuses et paraissent malaisées à manipuler, qu’elles ne servent pas très vite le client et qu’elles doivent coûter cher. C’est vrai. A cause du prix, seules quelques grandes gares sont équipées de tels appareils ; partout ailleurs subsistent encore les casiers à billets préimprimés.

Une des premières imprimeuses-enregistreuses.

En 1935, la S.N.C.B. avait aussi mis en service à Bruxelles-Nord, à titre d’essai, huit grandes machines imprimantes, « doublées » par une série de casiers. Des faits de guerre les détruisirent en 1943.

 Les imprimeuses-enregistreuses Schuster

Dans le courant de 1944, la S.N.C.B. accueillit l’idée d’un inventeur belge, M. Schuster, qui avait imaginé d’imprimer les billets, aux guichets mêmes, au moyen de petites machines rapides, robustes et peu coûteuses, utilisant des clichés en zinc du type employé dans les machines à adresser.

En collaboration avec l’inventeur, nos services construisirent les premières imprimeuses-enregistreuses Schuster, et celles-ci furent mises en service à Bruxelles-Midi en 1949. Depuis, ils ont corrigé progressivement les imperfections de ces prototypes et ont apporté les améliorations qui s’imposaient. Aujourd’hui, 280 gares sont équipées de 547 machines, et chacun a pu remarquer avec quelle aisance et quelle rapidité elles servent.

L’imprimeuse-enregistreuse Schuster est construite dans les ateliers de la S.N.C.B. C’est une machine peu encombrante que l’on actionne à la main et qui n’exige pas de source de courant électrique.

Elle comprend :

  • Un socle de base sur lequel s’articule un bras d’impression avec poignée de manœuvre (P), solidaire d’un marteau d’impression (M) dans les glissières (G) duquel l’opérateur introduit le cliché voulu ;
  • Des dispositifs pour l’impression en deux couleurs (rouge et noir), à la suite d’un seul geste et au moyen de rubans encreurs :
    • du montant à payer ;
    • du numéro du billet ;
    • de la marque d’authenticité ;
    • de la date [1] ;
    • du nom de la gare de départ ;
    • de l’enregistrement de la recette sur une bande, sortant librement de la machine, grâce à laquelle les distributeurs peuvent établir leur compte ;
    • de l’empreinte du montant sur une bandelette de contrôle qui s’enroule automatiquement dans un carter plombé, pour pouvoir être transmise, sous cette protection, aux services de l’administration centrale ;
  • Un statistiqueur (S) qui permet de porter, sur la bande d’enregistrement de la recette, des chiffres-indices (1 à 11) pour statistiques occasionnelles ;
  • Un petit meuble où les mécanismes inférieurs, les rubans encreurs, les bobines de bandes, le carter, etc., sont enfermés sous clef ;
  • Un capot (K) de forme esthétique, articulé à l’arrière, qu’il faut soulever pour alimenter la machine en cartons vierges (à ce moment, toute impression est rendue impossible). Une ouverture (O) dans le capot permet l’introduction des clichés ; les billets imprimés sortent par la fenêtre d’éjection (F) ;
  • Une sonnerie qui signale quand il faut réalimenter la machine en cartons vierges ou en bobines de bandes.

A droite et éventuellement à gauche de l’opérateur, les bacs à clichés, inclinés à 45°, complètent l’équipement du guichet. Leur capacité pourrait être portée à plusieurs milliers de clichés ; nos gares les plus importantes en utilisent environ 1.000 par machine.

 Les clichés.

Les clichés sont en zinc électrolytique comme les clichés des machines à adresser. Ils sont munis d’un porte-étiquette frontal.

Un cliché.

Les textes portés sur les clichés au moyen de machines spéciales concernent la ou les destinations (quatre au plus), le prix à percevoir, la classe, la caractéristique tarifaire et les littéras-indices appropriant l’usage des clichés à une machine déterminée. En dernière ligne figurent les indications à reproduire sur la bande enregistreuse.

Les clichés sont classés dans les bacs de façon que les étiquettes soient placées face aux opérateurs.

 Fonctionnement de la machine.

Le fonctionnement est très simple : l’opérateur saisit, dans la boîte à clichés, celui de la relation voulue, l’introduit dans les glissières, rabat la poignée de manœuvre, la laisse remonter et passe le billet au voyageur.

Des dispositifs contre les manœuvres intempestives sont prévus. Toute impression commencée doit être poursuivie jusqu’à achèvement complet.

La vitesse de distribution est au moins équivalente à celle de la délivrance de billets préimprimés.

La teinte des billets est unique pour les deux classes ainsi que pour les abonnements sociaux à la semaine, qui sont aussi délivrés au moyen de ces machines.

 Comptabilisation et contrôle

La comptabilité des billets vendus est réduite à l’addition des prix des billets d’après les bandes enregistreuses. Tous les travaux comptables de relèvement, de taxation, de vérification, de gérance des stocks, etc.. inhérents au système des billets préimprimés sont supprimés.

Dans la plus grande partie des gares, les additions sont effectuées au moyen de machines à additionner non imprimantes, à raison d’environ 3.500 postes à l’heure. Compte tenu de ce que l’addition doit être faite deux fois ainsi que des redressements d’erreurs, la comptabilité journalière dure environ un quart d’heure dans les gares dont le débit moyen se situe aux environs de quatre cents billets par jour, temps qui, cumulé mensuellement, est de sept à huit fois inférieur à celui qui devait être consacré aux travaux similaires lorsque la distribution était assurée au moyen de billets préimprimés.

Les additions sont faites au jour le jour et la clôture des écritures du mois a lieu sans surcroît de travail.

Les remises de service entre opérateurs se font par le relèvement d’un seul numéro, celui du dernier billet vendu par l’agent qui termine sa prestation, ce qui permet de scinder sans difficulté les additions pour établir la recette par agent.

 Statistiques

II est indispensable de connaître, à intervalles plus ou moins rapprochés, la répartition de la recette et les nombres de billets vendus pour chacun des groupes tarifaires, chaque classe ou chaque catégorie d’usagers d’abonnements sociaux à la semaine. Ces statistiques, dans la comptabilité ancienne, étaient établies par les agents des gares, qui inscrivaient le nombre de billets et les recettes correspondantes dans un grand nombre de colonnes appropriées. Elles sont à présent effectuées au Contrôle des recettes au moyen de machines à compteurs multiples par dépouillement des bandes enregistreuses d’après :

  • Les codes caractéristiques, classe et catégorie, de chaque enregistrement ;
  • Les chiffres-indices imprimés par le statistiqueur lorsque des statistiques occasionnelles sont nécessaires.
Au clavier d’une machine à compteurs multiples.

Parmi les statistiques occasionnelles, on comprend celles des recettes relatives à certains bénéficiaires de réductions tarifaires pour l’octroi desquelles la S.N.C.B. obtient compensation de l’Etat.

 Estampage des clichés. Modifications tarifaires.

Les matrices en zinc servant à la fabrication des clichés sortent des presses spéciales des ateliers E.S. de la S.N.C.B.

L’estampage de ces matrices est opéré à l’administration centrale au moyen d’estampeuses du même type que celles qui sont utilisées pour les machines à adresser. La forme des matrices en zinc, les chiffres et certains signes utilisés pour l’estampage ont des caractéristiques particulières à la S.N.C.B. On peut effacer les textes estampés sur les clichés et les remplacer par d’autres au moins six fois avant de devoir mettre le cliché au rebut.

C’est au siège de l’administration centrale qu’on estampe les clichés.

Chaque jeu de clichés en service dans les gares est doublé d’un jeu identique entreposé à l’administration centrale. Le classement des clichés des gares et celui des doubles sont rigoureusement identiques. Les doubles ne portent pas de prix. En cas de modification aux tarifs, les services spécialisés de l’administration centrale estampent les nouveaux prix sur les doubles et les envoient en temps utile dans les gares. Les clichés avec prix périmés sont renvoyés par les gares à l’administration centrale, qui efface ces prix et remet les clichés en magasin en vue de leur réutilisation lors d’une modification ultérieure des tarifs. Cette procédure, très simple et très rapide, permet d’adapter, comme nous l’avons déjà dit, chaque jeu de clichés à six modifications de prix, soit d’opérer douze changements de prix sans dépense nouvelle ; elle constitue l’un des avantages majeurs des machines Schuster.

 Gares qui ne sont pas équipées de machines

Pour supprimer partout l’emploi de billets Edmonson, on fait alimenter les gares à faible débit, c’est-à-dire les gares où la mise en service d’une machine Schuster ne se justifie pas, par une gare voisine équipée de ces machines. Les avantages du système sont ainsi étendus à toutes les gares du réseau de la S.N.C.B.

 Avantages des machines Schuster

Ces machines présentent des avantages indéniables, qu’une utilisation de plus de treize années confirme chaque jour :

  • Simplicité, robustesse, entretien facile ;
  • Prix modique ;
  • Célérité de la distribution au moins équivalente à celle de l’ancien-système ;
  • Manipulation aisée et sans fatigue ;
  • Modernisation de l’aspect des bureaux ;
  • Suppression de l’imprimerie des billets et des stocks de billets dans les gares ;
  • Possibilités quasi illimitées en matière de statistiques ;
  • Suppression des travaux assujettissants dans les gares ;
  • Facilité des prises et des remises de service ;
  • En cas de modification des tarifs, délivrance des billets portant les nouveaux prix dès le premier jour de la mise en vigueur des nouveaux barèmes de prix ;
  • Possibilité, en cas de réclamation d’un voyageur, de vérifier très rapidement la situation de la caisse.

 Perspectives

Les progrès de l’électronique permettent d’entrevoir le moment où la vérification des additions et les dépouillements statistiques pourront être effectués à l’administration centrale par une machine « lisant » les informations imprimées par les machines Schuster sur les bandes enregistreuses. Il existe déjà des prototypes de telles « liseuses », imaginés et construits par des firmes spécialisées, qui en poursuivent la mise au point. Si cette perspective se concrétise, l’électronique pourra se substituer aux yeux et aux doigts des opérateurs de l’administration centrale, qui utilisent encore des machines classiques à clavier, et éliminer les derniers travaux assujettissants du système Schuster.

Le bureau des recettes des gares a pris forme plus nette et plus accueillante.

La Belgique, qui est le premier pays à avoir résolu de façon pratique et rationnelle le problème de la distribution des billets par l’utilisation de machines installées aux guichets de toutes ses gares, disposerait ainsi, pour cette tâche, d’un système complet, réunissant tous les avantages que l’on doit attendre d’une création simple et efficace.


Source : Le Rail, avril 1963


[1Un dispositif est prévu pour imprimer les billets sans date