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Feu vert pour Thalys !

L. Gillieaux.

mercredi 23 juin 2021, par rixke

Un nouveau pas en avant pour le TGV en Belgique

Les Thalys, trains à grande vitesse destinés aux relations Paris - Bruxelles - Amsterdam avec une desserte complémentaire de Mons, Liège et Anvers commencent à circuler ce 2 juin, en roulant à 300 km/h sur plusieurs kilomètres de leur parcours en Belgique.

Moins de deux ans après le lancement d’Eurostar, une seconde relation à grande vitesse au départ de la Belgique voit le jour. Et cette mise en service constitue en même temps la première étape d’un grand projet belge t européen en plein développement.

Faisons le point en ce moment où le TGV entre dans une nouvelle phase concrète.

Un long cheminement

Le projet TGV en Belgique a fait l’objet d’études préliminaires dès les années 1970, études qui ont été approfondies et précisées avec les réseaux voisins au cours de la décennie 80. Mais c’est au début 1990 et à la mi-1991 que les autorités gouvernementales ont pris position sur les grandes options du tracé TGV en Belgique, de la frontière française jusqu’aux Pays-Bas et à l’Allemagne en passant par Bruxelles, Liège et Anvers.

La SNCB a alors entrepris les études détaillées nécessaires à la réalisation des lignes nouvelles et des aménagements de lignes classiques qui étaient prévus. Parallèlement, elle a poursuivi avec les réseaux voisins les études consacrées aux trains à grande vitesse qui circuleraient sur ces lignes ainsi que les services à assurer par ces trains. C’est ainsi qu’ont vu le jour, d’une part, Eurostar, destiné aux relations de Bruxelles et Paris vers Londres via Lille et le tunnel sous la Manche et, d’autre part, Thalys qui entre maintenant en service.

 Thalys pour la desserte « PBKA »

Le projet TGV en Belgique trouve sa pleine justification dans un contexte transfrontalier et, partant, européen. Si Eurostar relie notre pays à la Grande-Bretagne via la région lilloise, un autre volet du projet a consisté à étudier les liaisons à réaliser entre Paris, Bruxelles, Cologne et Amsterdam. C’est le projet PBKA (le K étant utilisé pour tenir compte de l’orthographe allemande de Cologne), pour lequel ont été conçues une double flotte de trains à grande vitesse – les rames rouges et grises tritension et quadritension – ainsi qu’une organisation commerciale spécifique permettant d’offrir un même service aux voyageurs empruntant ces trains dans les quatre pays concernés.

Les Thalys sont donc destinés à utiliser au maximum les infrastructures à grande vitesse existantes ou à construire pour relier Paris à Bruxelles et, au-delà, pour continuer leur course, soit vers Liège et Cologne, soit vers Anvers et Amsterdam. Compte tenu tant de l’étalement des travaux de construction des infrastructures, lié aux procédures administratives, que du calendrier de livraison des rames à grande vitesse, la desserte Thalys va se mettre en place en plusieurs phases :

  • 2 juin 1996 : le service Thalys débute entre Paris, Bruxelles et Amsterdam, avec une première desserte de Liège en antenne ;
  • 1997 : la liaison Paris - Bruxelles - Cologne s’ouvre, avec l’entrée en service des rames Thalys quadritension, aptes à circuler aussi en Allemagne ;
  • 1998 : la ligne nouvelle entre la frontière française et Lembeek est opérationnelle et le service s’intensifie encore, la relation Bruxelles - Paris étant alors parcourue en 1 h 25 ;
  • 2002 : utilisation d’une ligne nouvelle entre Louvain et Bierset - Ans, ce qui raccourcit les temps de parcours d’environ 20 minutes ;
  • 2005 : les infrastructures au-delà de Liège et d’Anvers sont achevées, ce qui procure de nouveaux gains de temps dans les relations entre Bruxelles et Cologne, d’une part, Amsterdam d’autre part. Dans le même temps le service Thalys remplit complètement son rôle de cœur du réseau européen à grande vitesse, en reliant rapidement entre elles nombre de villes du nord-ouest de l’Europe : Paris, Bruxelles, Liège, Aix-la-Chapelle, Cologne, Berchem-Anvers, Anvers, La Haye, Rotterdam, Schipol et Amsterdam.

 Thalys au 2 juin 1996

La mise en service de Thalys est synonyme de changement dans plusieurs domaines.

THALYS

À partir du 2 juin, la relation Paris-Amsterdam via Bruxelles, avec une extension vers Liège, est assurée par des TGV Thalys.

Des billets à prix avantageux pour ces trains sont accordés à tous les ayants droit et bénéficiaires de facilités de circulation en service intérieur, sur présentation du libre-parcours, du titre de légitimation pour billets gratuits Bénélux ou de la carte internationale de réduction FIP.

Ces billets sont valables sur la totalité du trajet et leurs prix s’élèvent à :

Par personne et par trajet simple
Trajet international Trajet intérieur
1re classe 760 F 200 F
2e classe 380 F 200 F

Attention

Le surclassement est impossible. Par contre, tout bénéficiaire de facilités de circulation en 1re classe peut voyager en 2e classe, contre paiement du prix réduit correspondant.

Pour rappel, des trains internationaux classiques parcourent toujours les relations à destination de Paris, trains pour lesquels les titres de transport normaux sont valables.

 La grande vitesse en Belgique

Dans le domaine de l’infrastructure, l’innovation majeure se situe sur la relation Bruxelles - Paris.

Si des TGV assuraient déjà la liaison depuis janvier 1995, ils circulaient en réalité via les lignes 94 (Bruxelles - Hal -Tournai - Lille, avec changement de front en gare de Lille-Europe) et 96 (Bruxelles -Mons - Quévy - Aulnoye).

Désormais, les TGV circulent via Mons mais ils empruntent là la ligne 78 (Mons -St-Ghislain -Tournai) jusqu’à l’entrée d’Antoing, où un raccordement – parcourable à 170 km/h – leur permet d’emprunter dès cet endroit la première section de ligne nouvelle à grande vitesse en Belgique. Parcourable à 300 km/h, cette section, longue de 15 km sur notre territoire, passe au sud de Tournai et franchit la frontière à Esplechin. Là, elle rejoint une antenne de la ligne TGV Nord de la SNCF, antenne de quelque 10 km de longueur, débranchée au triangle de Fretin de la ligne Paris - Lille. Les TGV de la relation Bruxelles - Paris ne passent donc plus par Lille mais empruntent la base de ce triangle, la plus rapide, car elle est parcourue à 300 km/h, soit la vitesse normale de pleine ligne nouvelle.

Outre le fait, symboliquement fort important, que l’on pratique pour la première fois les 300 km/h dans notre pays, l’utilisation de cet itinéraire permet de gagner une quinzaine de minutes sur les parcours les plus rapides antérieurs. Dorénavant, le parcours Bruxelles - Paris s’effectue en 2 h 03. Et, en septembre 1996, les dernières améliorations du parcours Mons - St-Ghislain - Antoing permettront de relier les deux capitales en 1 h 59 !

 Contre la montre !

Il n’aura pas été facile d’en arriver là. En effet, les travaux de la section frontière française - Antoing n’ont débuté qu’en août 1993, par la construction du viaduc d’Antoing. Après les travaux de terrassement et de construction de la plate-forme et des autres ouvrages d’art, les premiers rails étaient posés en octobre 1995, suivis par les autres travaux d’équipement et de parachèvement de la section de ligne. Il aura vraiment fallu travailler « contre la montre », malgré l’hiver, pour que tout soit prêt pour les essais qui se sont déroulés en avril, juste avant que la ligne ne soit remise aux services du Transport pour assurer la formation du personnel.

 Bruxelles - Paris « tout TGV »

Une autre innovation consiste dans le remplacement de tous les trains Bruxelles - Paris (sauf la paire de trains de nuit) par 13 circulations toutes assurées en rames TGV qui effectuent systématiquement le parcours en 2 h 03. Les gains de temps sont donc très appréciables, allant du quart d’heure à la cinquantaine de minutes. Pour offrir ce service, la SNCB et la SNCF mettent en ligne les Thalys rouge et gris PBA (Paris-Bruxelles-Amsterdam), épaulés dans un premier temps par des rames TGV Réseau tricourant bleu et gris. En effet, seuls les équipements techniques des « PBA » leur permettent d’aller aux Pays-Bas. Et comme les « rotations » Paris-Amsterdam sont assez longues, il est nécessaire de faire appel à des rames Réseau gris et bleu pour compléter les roulements Paris - Bruxelles et les prolongements sur Liège et Anvers, en attendant l’arrivée des rames quadritension PBKA.

¡¡¡Un nouveau confort du voyage

Cette dualité de matériel ne pose pas de problèmes d’exploitation, puisque les deux types de rames disposent de la même capacité en places offertes, soit 377 places, à raison de 257 places en « confort 2 » et 120 en « confort 1. »

L’utilisation de ces termes au lieu des classiques 1re et 2e classe n’est pas un simple changement d’appellation. Cette innovation correspond à une évolution profonde, rapprochant les deux catégories de places. Dans les Thalys PBA et futurs PBKA, le confort de seconde a été amélioré avec des sièges proches de ceux de première, également inclinables, offrant davantage d’espace pour les jambes et permettant l’utilisation d’un repose-pieds. Le « confort 2 » devient ainsi un excellent service de base, très agréable pour le voyage et accessible à tous les voyageurs. Le « confort 1 » offre quant à lui des possibilités supplémentaires aux voyageurs qui recherchent certaines prestations spécifiques : plus grandes possibilités d’échanges de réservation et, en semaine, un accueil personnalisé à la voiture ainsi que des collations légères comprises dans le prix du billet, etc.

De toute façon, tous les voyageurs peuvent acquérir des boissons chaudes ou froides ainsi que des collations au bar. Ils peuvent aussi téléphoner en utilisant une des deux cabines du train, qui comporte également un « relais bébé » ainsi que des places à l’assise rabattable pour les handicapés en fauteuil roulant et une toilette spéciale pour eux.

Le service offert à bord est le même sur tous les TGV en service au 2 juin 1996, que ce soient les PBA rouge et gris ou les TGV Réseau gris et bleu. Ce service est assuré par un consortium international composé de Restobel (Belgique), Servair (France) et Le Gourmet (Swissair).

 Des prix très compétitifs pour toutes les catégories de clientèle

La définition des prix et des services a été prise en charge par une filiale commune de la SNCB et de la SNCF, Westrail International, établie à Bruxelles. Cette unité a étudié une politique de prix très attractive qui met vraiment le chemin de fer en position compétitive face à la voiture et à l’avion.

Elle a également élaboré des formules de prix différentes, adaptées aux grandes catégories de clientèle : de celle qui recherche le voyage « super économique » aux déplacements d’affaires demandant une souplesse et des facilités maximales en passant par les catégories recherchant un bon équilibre entre prix et confort, comme pour certains types de déplacement de loisirs, à Paris par exemple.

Viaduc d’Antoing

Lorsqu’on sait qu’il y a dans tous les TGV à l’ouverture des ventes, 60 jours avant la circulation, des places à moins de 2 000 F aller-retour, on doit admettre que le train est réellement compétitif, tant vis-à-vis de l’avion que de la voiture. En effet, un aller et retour Bruxelles - Paris en voiture de 7 CV coûte déjà 2 540 F rien qu’en frais d’essence et de péages autoroutiers.

De plus, les prix maximum tout compris en « confort 1 » ne sont pas plus élevés que les prix sur les TGV actuels avec la réservation et le plus haut niveau de supplément prévu.

Et si l’on ajoute à cela la fréquence de 13 TGV par jour, le gain de temps de parcours (les temps moyens passent de 2 h 42 à 2 h 03 !), le confort et le service à bord, on ne peut douter que notre entreprise présente à toute la clientèle une offre particulièrement attractive !

 Bruxelles, Liège, Anvers, Mons : quatre villes TGV

Cette autre innovation – qui n’est pas la moindre – devient aussi réalité : Bruxelles, jusqu’à présent la seule ville desservie par des TGV en Belgique est dorénavant rejointe par trois autres villes. Liège bénéficie en effet chaque jour du lundi au samedi de deux dessertes TGV vers Paris via Bruxelles.

Anvers, de son côté, est desservie de deux manières. Tout d’abord par les quatre Thalys continuant tous les jours au-delà de Bruxelles vers La Haye, Rotterdam, Schipol et Amsterdam. Au passage, ces trains desservent Anvers-Berchem. En outre, un cinquième TGV a pour origine et destination Anvers-Central.

Quant à Mons, l’itinéraire utilisé est mis à profit pour y faire arrêter deux TGV par sens chaque jour.

De plus, grâce à certaines correspondances existant dans ces différentes gares, c’est tout un ensemble de villes belges qui profitent de cette première phase de la mise en œuvre du projet TGV dans notre pays.

 Vers de nouvelles étapes

Nous en reparlerons prochainement. Mais soulignons dès à présent qu’après le lancement d’Eurostar le 14 novembre 1994, la mise en service de Thalys ce 2 juin 1996 marque une nouvelle étape très importante pour nos chemins de fer. En commençant à pratiquer effectivement la grande vitesse dans notre pays, la SNCB améliore de manière significative la relation Bruxelles-Paris et elle pose un jalon fondamental dans l’inscription de notre pays au cœur du réseau européen à grande vitesse ferroviaire. Ce sont là des actes essentiels qui conduisent notre entreprise vers l’avenir et affirment sa présence tout comme son identité dans la construction européenne.


Source : Le Rail, juin 1966