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Bruxelles-Paris : 150 ans de trains (II)

P. Vankeer.

mercredi 21 juillet 2021, par rixke

De l’armistice à la guerre de 1940

La reprise du trafic civil au lendemain de l’armistice fut malaisée ; la ligne avait été fort endommagée, surtout entre Saint-Quentin et Compiègne.

En 1919, il n’y eut que deux trains par jour avec un temps de parcours de 8 h 15 !

Horaire du 15 juillet 1919
1-2 1-2-3
Bruxelles 7.40
WR
13.30
WR
Paris 15.55 21.45

En 1920 la desserte s’améliora quelque peu.

Horaire du 3 janvier 1920
1-2 1-2-3 1-2-3
Bruxelles 8.13
WR
13.53
WR
22.15
WL
Paris 15.55 21.45 7.00

La durée du trajet n’était plus "que" de l’ordre de 7 h 45 pour les trains de jour.

À remarquer que les voitures-lits (WL) de la CIWL avaient remplacé les anciens "coupés-lits".

C’est vers 1923 qu’un progrès sensible fut enregistré : les réseaux français et belge créèrent entre les deux capitales un train-bloc sans arrêt qui effectuait le parcours en 3 h 45. Pour la première fois, les arrêts "douaniers" furent supprimés, le contrôle s’exerçant à bord du train.

Horaire du 1er octobre 1924
1-2 1-2-3 1-2 1-2 1-2-3 1-2 1-2-3
Bruxelles 8.20
WR
10.25 13.00
WR
14.14 [1] 15.46 18.45
WR
0.40
WL
Paris 12.20 16.55 17.28 18.00 22.35 22.40 6.50

La prospérité revenue, la Compagnie des Wagons-lits reprit son projet « 1900 » de train de luxe Amsterdam-Paris. Elle venait de créer sur le continent les célèbres voitures « Pullman » (des voitures du même type circulaient déjà en Angleterre depuis plusieurs années) et elle lança en 1926 le Golden Arrow/Flèche d’Or, reliant Paris à Calais avec correspondance maritime vers Douvres et Londres. Ce train était entièrement composé de ces voitures-salons (1re classe avec supplément) qui offraient de grands et confortables fauteuils clubs disposés deux par deux autour de petites tables où un personnel stylé servait aux voyageurs leur repas.

L’année suivante, cette offre fut proposée sur la relation Amsterdam-Paris. Exit donc le train-bloc, le Pullman effectuait lui aussi, sans arrêt, le trajet Bruxelles-Paris en 3 heures 30 ! Il fut baptisé « L’Étoile du Nord » et quittait Bruxelles à 16 h pour être à Paris à 19 h 30 (vitesse moyenne de 90 km/h).

Deux ans plus tard (1929), un autre train exclusivement Pullman fut composé entre Anvers, Bruxelles et Paris ; symétrique de « L’Étoile du Nord », il partait de Belgique le matin pour y revenir le soir.

Il portait le nom d’« Oiseau bleu », en hommage au poète belge Maurice Maeterlinck.

L’exploitation de la ligne se présentait désormais comme suit :

Horaire de l’hiver 1929-1930
1-2 P 1-2 1-2-3 1-2 P 1-2 1-2-3 1-2 1-2-3
Bruxelles 9.08
WR
10.30 [2] 10.34 13.25
WR
16.00 [3] 16.12 19.35
WR
0.55
WL
Paris 13.00 14.00 16.49 17.10 19.30 22.29 23.30 6.50

Il importe de relever que si le Golden Arrow/Flèche d’Or Paris-Calais (Londres) était composé uniquement de voitures Pullman de 1re classe, l’Étoile du Nord et l’Oiseau bleu étaient, quant à eux, ouverts à une clientèle plus « moyenne » car, à côté des voitures de 1re classe, ils comportaient des voitures de 2e classe où les voyageurs étaient installés d’un côté du couloir central à des tables pour deux personnes et de l’autre côté à des tables pour quatre personnes. Une voiture sur deux était pourvue d’une cuisine : ces deux voitures formaient un « couplage ».

Mais en 1929, ce fut aussi le « jeudi noir » de la Bourse de New-York en octobre, qui marqua le début d’une dépression économique touchant gravement la Belgique dès 1930 et la France un peu plus tard. Le trafic voyageurs international et intérieur diminua sensiblement.

Mais à quelque chose malheur est bon !

La baisse du trafic eut pour conséquence de réduire le nombre de voitures par train qui, pour l’Étoile du Nord tomba de 8 à 6 et pour l’Oiseau bleu de 6 à 4, ramenant ainsi le temps de parcours en 1936 à 3 h 15 pour le premier et à 3 heures (nouveau record) pour le second (qui partait désormais d’Amsterdam).

Les autres trains bénéficièrent aussi d’un relèvement de la vitesse et la voiture-lits de l’express de nuit se « démocratisa » en offrant des places-lits de 2e classe. Regardons d’un peu plus près les indicateurs des étés 1935 et 1937.

1935 fut l’année de l’exposition universelle de Bruxelles et les Français, avantagés par la dévaluation du franc belge, s’y rendirent massivement. Il fallut donc des trains supplémentaires pour les acheminer à Bruxelles et les ramener à Paris le soir, surtout durant les week-ends.

Horaire de l’été 1935
1-2-3 1-2 P 1-2 1-2-3 1-2 P 1-2 1-2-3 1-2-3 1-2 1-2 1-2-3 1-2-3
Bruxelles 6.40 9.00 10.47
WR
10.55 13.28 16.11
WR
17.40 18.55 [4] 20.05 [5] 20.10
WR
20.10 [6] 0.55
WL
Paris 11.24 12.38 13.54 16.38 16.53 19.28 23.08 23.26 23.41 23.36 0.21 6.57

Notons aussi la mise en service permanent d’un express "toutes classes" permettant aux voyageurs de 3e classe, jusque là fort désavantagés question vitesse, de faire le trajet en 4 h 44 (à condition de se lever tôt puisque ce train quittait Bruxelles à 6 h 40 !)

En 1937 les Belges rendirent la politesse à leurs amis français en allant visiter « l’Expo » de Paris. Cette fois les trains supplémentaires furent évidemment mis en marche le matin ainsi qu’à l’heure de midi au départ de Bruxelles et le soir au départ de Paris.

Horaire de l’été 1937
1-2-3 1-2-3 1-2 1-2 P 1-2 1-2-3 1-2 1-2 1-2-3 P 1-2 1-2-3 1-2 1-2-3
Bruxelles 6.10 [7] 6.44 9.20 [8] 9.25 [9] 10.47 [10] 11.07 13.28 13.33 [11] 14.57 [12] 16.11 [13] 17.41 20.00
WR
0.55
WL
Paris 11.19 11.24 12.20 13.10 13.47 16.32 16.54 17.10 19.45 19.25 23.20 23.28 6.54

Pour mettre en évidence les résultats de la technique française, le train de 9 h 20 était assuré par le tout moderne autorail rapide de la Compagnie du Nord (le TAR), d’un aspect aérodynamique et d’une esthétique remarquables avec ses couleurs argentées. Il parcourait la ligne en 3 heures (104 km/h de moyenne) comme le Pullman Oiseau bleu mais avec des arrêts à Mons, Aulnoye et Saint-Quentin. La rame, composée de deux motrices encadrant une remorque, portait le nom d’une province du Nord de la France.

C’est généralement « Le Beauvaisis » qui venait à Bruxelles mais la Compagnie du Nord possédait sept autres rames du même type : « Le Cambrésis », « La Picardie », etc.

Cette rame n’avait qu’un défaut : elle n’offrait que 42 places en 1re classe contre 96 en seconde. Heureusement un train à vapeur la dédoublait en week-end.

Ce TAR magnifique mais trop exigu céda la place en 1938 à un train à vapeur classique moins rapide et moins prestigieux mais offrant plus de possibilités dans sa composition.

Le 1er janvier 1938, les réseaux français, nationalisés par une loi de 1937, furent remplacés par la SNCF. Peu de modifications en 1938 et 1939 sauf que le premier express du matin vit son départ de Bruxelles retardé à 7 h 27 et que l’horaire proposait une nouvelle possibilité via Charleroi : départ de Bruxelles à 18 h, correspondance à Charleroi avec le rapide 1re et 2e classes venant de Berlin, arrivée à Paris à 21 h 37.

Et à nouveau le spectre de la guerre s’abattit sur l’Europe.

Tunnel de Braine-le-Comte

Le 1er septembre 1938, Hitler attaqua la Pologne à laquelle la France et l’Angleterre accordèrent leur protection. Ces deux pays déclarèrent la guerre à l’Allemagne le 3 septembre. Mais, contrairement à ce qui c’était passé en 1914, la Belgique resta neutre et, si la Pologne dut capituler fin septembre, les hostilités à l’ouest se limitèrent à des activités de patrouilles. La France s’installa derrière la ligne Maginot, l’Allemagne derrière la ligne Siegfried et la Belgique mobilisa quelque 600 000 hommes pour défendre sa neutralité. Ce fut « la drôle de guerre ». Le trafic ferroviaire entre Bruxelles et Paris fut réduit à deux trains par jour, dont un venait d’Amsterdam.

Horaire du 15 mars 1940
1-2-3 1-2-3
Bruxelles 7.45
WR
17.27
WR
Paris 13.35 23.10

L’indicateur du 15 mars 1940 précisait que « des modifications seront apportées aux horaires internationaux en raison de l’introduction de l’heure d’été en Hollande le 19 mai... »

Hitler n’attendit pas cette date pour déclencher les hostilités qui virent s’affronter les démocraties alliées et les dictatures nazie et fasciste.

Nous tenons à remercier Monsieur José Mandiaux, de La Louvière, et Monsieur Chevalier, du musée des Chemins de fer, qui nous ont aimablement ouvert leurs collections d’indicateurs.


Source : Le Rail, juillet 1996


[1train-bloc sans arrêt au nombre de places limité

[2Pullman Oiseau bleu

[3Pullman Etoile du Nord

[4les dimanches du 14 juillet au 5 septembre et le 15 août

[5les dimanches du 14 juillet au 5 septembre et le 15 août

[6les dimanches du 9 juin au 7 juillet, tous les jours du 14 juillet au 15 septembre ainsi que les 22 et 29 septembre.

[7les dimanches du 4 juillet au 3 octobre

[8TAR Train automoteur rapide avec buffet-car

[9les samedis et dimanches du 3 juillet au 3 octobre

[10Pullman Oiseau bleu

[11les samedis du 3 juillet au 2 octobre

[12les samedis du 3 juillet au 2 octobre

[13Pullman Étoile du Nord