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Objets trouvés, bagages non enlevés...

Hendrik Hayen.

lundi 24 avril 2023, par rixke

Qui n’a jamais rien oublié dans le train ?

Moi, en tout cas, cela m’arrive fréquemment. Dans la cohue des heures de pointe quand descendre d’un train bondé relève de l’exploit sportif, c’est souvent mon parapluie qui fait les frais de mon inattention et qui se retrouve ou dans les mains de quelqu’un que les scrupules n’étouffent pas ou parmi d’autres, dans un dépôt aux allures de caverne d’Ali Baba.

 Le document !

Ce parapluie que j’ai perdu, il me tarde de le récupérer ; c’est qu’il a coûté cher, bon sang ! Aussi, je remplis une déclaration en espérant que mon précieux compagnon retrouve le chemin de la maison. Cette déclaration répond au doux prénom de document R 197 et me coûte la modique somme de 100 F. C’est incroyable ce que mon parapluie acquiert comme plus-value. En attendant l’issue de ma démarche et pour tromper mon impatience, je décide d’enquêter sur le fonctionnement de ce service méconnu, le Dépôt central des objets trouvés (DCOT), situé à Bruxelles Nord.

 Jeu de piste

Que la SNCB en fasse le moins possible pour aider la clientèle est une vilaine fable. J’ai pu m’en rendre compte en discutant avec le responsable du DCOT, M. Baeyens, qui exerce son métier avec passion. D’abord, me dit-il, il ne faut pas parler d’un dépôt d’objets « perdus », mais bien d’un dépôt d’objets « trouvés ». Et, enchaîne-t-il, ce n’est pas facile de restituer un objet à son légitime propriétaire. Un règlement très rigoureux et d’une logique à l’épreuve des faits, envisage toutes les situations possibles et imaginables. Sauf quelques-unes, imprévisibles, nées de la convergence de facteurs indomptables qui font que le parapluie de votre belle-mère préférée est à tout jamais perdu !

 Le dépôt

Installé depuis bientôt quatre ans dans les anciens locaux de la masse d’habillement M de la gare de Bruxelles Nord, le dépôt occupe un espace ventilé de 248 m2. A côté, un local accueille les clients orphelins de parapluie. Trois agents y travaillent en permanence. En cas d’affluence, ils peuvent toujours compter sur du personnel de renfort. Les objets sont répartis par catégories (il y en a une centaine !) dans une succession impressionnante d’étagères. Relevons les rayons des chapeaux d’homme, chapeaux de femme, séparés bien sûr, ceux des trousseaux de clés, des ceintures, des portefeuilles, des couteaux ( !), des cravates, des stylos, des briquets, des bagues, et j’en passe et des meilleures. Les objets encombrants sont rassemblés : sacs de sport, manteaux et serviettes. Enfin, les objets de valeur sont mis sous clé. Une étagère est même réservée aux accessoires pour autos et motos.

Mais bien sûr, le plus beau rayon est celui des parapluies, dont les couleurs forment un bel arc-en-ciel. A moins qu’ils ne soient noirs, auquel cas bien malin celui qui pourra reconnaître le sien !

Parmi les vélos, les skis, les voitures d’enfants, les malles, les ordinateurs et les chaises roulantes, les agents s’interrogent parfois sur la catégorie à laquelle certains objets appartiennent. Par exemple, ce sac de sport rempli d’accessoires d’entraînement : doit-il figurer dans la catégorie des sacs de sport ou dans celle des accessoires ? Et qu’a déclaré le propriétaire ? Si tant est qu’il se souvienne du contenu de son sac !

 Des vols déguisés

A ma question légitime de comprendre comment on peut oublier son ordinateur, M. Baeyens répond qu’il s’agit la plupart du temps d’un vol : le voleur, pris de panique, préfère « l’oublier » dans le train ou la gare. Même chose pour les vélos. Un vélo volé et oublié pertinemment dans une gare arrive après un certain temps au dépôt où son propriétaire ne pensera jamais à aller le récupérer. Et pour cause, le vol s’est peut-être produit loin d’une gare.

Une malle que l’on trouve sur un quai a sans doute été volée à Bruxelles et puis abandonnée là après que le voleur ait marchandé les pièces de valeur.

Le buffet, les toilettes, les cabines téléphoniques et les bureaux d’information sont autant d’endroits propices à oublier ou perdre quelque chose.

De même, les changements de temps sont défavorables aux distraits : ils oublient leur imperméable sitôt le soleil rayonnant, ou leur parapluie.

 Processus

Lorsque le train arrive à destination, le personnel de contrôle parcourt les voitures et rassemble les objets trouvés qu’il remet au chef de gare. Ceci est consigné dans le rapport du chef de gare.

Pour les objets abandonnés ailleurs que dans le train mais sur le site de la SNCB, ils peuvent être déposés à la gare par celui qui les trouve.

Ils reçoivent, quelle que soit leur provenance, une étiquette E 98 et sont inscrits dans le registre de la gare qui possède son propre système de numérotation.

Les sommes d’argent, même celles découvertes dans un portefeuille, sont immédiatement portées aux Fonds pour ordre.

Le propriétaire d’un objet identifié est prévenu sitôt celui-ci découvert. Il peut en prendre possession gratuitement endéans les 48 heures.

Ce délai dépassé, l’objet est envoyé au dépôt où il est enregistré dans l’ordinateur sous un nouveau numéro.

L’argent est versé sur le compte-chèques postal de Bruxelles Nord.

Si votre parapluie préféré ne figure pas dans le registre de la gare où vous avez constaté son absence, reste alors comme solution d’introduire une plainte en complétant le document R 197.

Il est indispensable de décrire minutieusement l’objet oublié et les circonstances dans lesquelles vous l’avez oublié : le numéro du train, la place que vous occupiez, l’heure approximative à laquelle vous l’avez perdu,... Il importe aussi de choisir les bons termes pour identifier un objet. La date aussi est sujette à caution dès lors qu’elle ne coïncide pas avec celle de la découverte de l’objet.

La partie inférieure du R 197 est la quittance remise au demandeur. La partie supérieure est envoyée à toutes les gares situées en aval de celle où le voyageur est descendu. Chaque gare vérifie si l’objet est repris dans son registre C 198. Si la réponse est affirmative, alors l’objet, muni du formulaire R 197, est expédié à la gare qui a enregistré la plainte. Sinon, c’est au dépôt qu’aboutissent les déclarations. Si l’objet est déjà au dépôt, il retourne à la gare plaignante.

Tout formulaire R 197 peut être complété soit à la gare, soit au dépôt.

La malchance de ne pas récupérer son parapluie bien aimé est réelle, malgré que les plaintes sont conservées pendant un an ! A bon entendeur, salut.

Excepté les marchandises périssables, les objets trouvés sont conservés pendant six mois. Après, ils déménagent au service Enregistrement et Domaines du ministère des Finances. Cet envoi est effectué une fois par mois. Ce service paie 100 F par pièce. Il organise périodiquement une vente spéciale dont les fonds sont destinés à la Trésorerie nationale.

Pour le mois de juin, 2 307 objets, soit 15 palettes, y ont été ainsi envoyés.

Objets trouvés Objets rendus
Janvier 2310 345
Mars 2711 397
Mai 2316 345

Source : Le Rail, août 1994