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Les engins de traction en jaune

mercredi 25 septembre 2013, par rixke

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 Sécurité avant tout

La sécurité est une des qualités que les chemins de fer ont tenu de placer dans leur devise.

Ainsi, depuis quelques années, on a veillé tout particulièrement à rendre plus visibles les agents qui travaillent dans des circonstances telles qu’elles les exposent fréquemment au danger, ainsi que les objets qui, eux-mêmes, peuvent constituer un risque pour le personnel (voire la clientèle).

L’expérience nous a appris que cette initiative était efficace.

Déjà, en avril 1973, dans son article intitulé « Risques atténués aux P.N. » M. L. Helewaut pouvait écrire dans notre revue que, grâce à la nouvelle livrée des autorails circulant sur les lignes secondaires, le nombre des accidents graves causés par ces engins, peints en rouge vif pour la partie inférieure de la caisse et en jaune ocre pour la partie supérieure, a diminué de 90 %. Il coupait court aux remarques des sceptiques, qui mettaient cette amélioration sur le compte du hasard en faisant remarquer qu’il est prouvé que la couleur jaune est, entre toutes, la plus intense et que, dès lors, elle est perceptible à des distances beaucoup plus grandes que le vert, tandis que le rouge est communément associé à la notion de « danger ».

Par la suite, on s’est raffermi dans cette opinion que la couleur constitue un élément de la sécurité. Il suffit de penser à la livrée jaune des tricycles, des tracteurs motorisés et des chariots élévateurs qui circulent à l’intérieur des installations ferroviaires.

L’initiative la plus spectaculaire à ce sujet a cependant eu lieu dans le domaine des vêtements de travail de certains cheminots. On sait que désormais quelque 15000 agents ont été munis d’une tenue de service de couleur jaune. Il en a été question dans notre numéro de mai 75. Il y a bien sûr par-ci par-là l’un ou l’autre cheminot pour déplorer d’avoir à revêtir l’uniforme jaune canari. Mais il convient en l’occurrence d’avoir l’œil plutôt braqué sur la logique que sur l’esthétique : mieux vaut être habillé de façon un peu voyante que de risquer l’accident en smoking bleu nuit du dernier cri...

 Au tour des engins de traction

II est certain désormais que le fait d’être visible de loin constitue un élément qui joue un grand rôle au point de vue de la sécurité.

Il n’y a rien d’étonnant dès lors si la Direction M a décidé de peindre ses engins de traction à l’aide d’une couleur vive. Une coïncidence : cette initiative révolutionnaire a démarré en ’76, alors que la Société commémorait son cinquantième anniversaire.

Nos cheminots s’intéressent, quoi qu’on en pense, aux nouvelles ferroviaires. On en trouvera la preuve dans cette réaction du premier chef de factage Willy Genderickx d’Anvers Schijnpoort qui s’est étonné que notre revue - qui publie de temps à autre des photos de locomotive en nouvelle livrée - n’ait pas encore songé à y consacrer un article. Il ne s’est pas borné à la surprise et à la critique (ce qui est plutôt facile, non ?), il a écrit, de sa main, un texte que nous reproduisons bien volontiers, après l’avoir, évidemment, soumis aux spécialistes en la matière du Service 25.

 Un départ plutôt hésitant

La première peinture - qui n’était en fait qu’une bande autocollante en plastique jaune, apposée sur fond jaune - fut appliquée en février ’76 sur la locomotive n° 2376 à l’ATE de Bruxelles Midi.

Un peu plus tard, vers la mi-mai, la loco électrique n° 2355 fut dotée de la même livrée, d’une « coupe » analogue, à cette réserve près que la couleur jaune des bandes en plastique était remplacée par celle que les NS utilisent pour leur matériel de traction.

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Début juillet de la même année, ce fut le tour d’une troisième locomotive : une bande décorative jaune sur fond vert, avec ceci de particulier que la « longueur d’onde » est réglée en fonction de la faculté d’observation de l’œil humain.

Deux mois plus tard, la locomotive n° 5142 est lancée dans le trafic avec une livrée « coupée » suivant un nouveau « patron » : le fond, qui était vert jusqu’alors, devient jaune désormais, tandis que les bandes ornementales, qui étaient jaunes, deviennent vertes.

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Cette nouvelle livrée, dont les bandes d’ornement vertes sont plus larges, va servir de modèle pour le peinturage ultérieur des locomotives du réseau. Il va de soi que, lors de chaque opération, on tiendra compte des particularités inhérentes à chaque type et à chaque série de locomotive.

En janvier ’77, encore une innovation : la loco électrique n° 2604 est peinte en jaune et bleu acier, sur le modèle prévu à l’alinéa précédent, c.-à-d. que les bandes d’ornement sont plus larges ; toutefois, ici, elles sont de couleur bleu acier. C’est une réussite. La preuve c’est que ce type de livrée servira de modèle pour les locomotives de ligne, à la différence que, dans le bas, jusqu’à la hauteur du châssis, on appliquera une bande noire.

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Désormais, le peinturage est ainsi uniformisé :

  • locomotives électriques : fond jaune avec bandes d’ornement bleu acier et toit gris ;
  • locomotives diesel de ligne : fond jaune avec bandes d’ornement vert foncé et toit noir.

Pour ces locos diesel, équipées d’un générateur auxiliaire pour le chauffage électrique des voitures remorquées, la bande d’ornement supérieure sera toutefois bleu acier au lieu de vert.

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Pour des raisons de sécurité. C’est en réalité là un moyen frappant pour avertir les agents de manœuvre de la présence d’un chauffage électrique sur les locomotives diesel, chauffage qui, auparavant, était assuré traditionnellement par un générateur à vapeur.

 Au salon d’habillage

Les nouvelles livrées sont alors revêtues par les locomotives à l’occasion de leur « visite » à l’un des ateliers centraux de Malines ou de Salzinnes.

Fin novembre, les locos 6082, 2323, 2925, 5109 et 2375 avaient endossé leur nouvelle tenue.

Les locomotives de la série 25.5 - il s’agit des rames réversibles Bénélux - conservent leur couleur sombre NS avec des bandes de visibilité jaunes, dans le but de garder l’homogénéité de ces rames.

Les locomotives tri et quadricourant, séries 15 et 16, ont également été repeintes, elles conservent cependant les grandes bandes décoratives en inoxydable.

Les locomotives de la série 18 ont reçu sur le nez une grande tache jaune, en remplacement de la bleue, mais le fond en inoxydable demeure inchangé.

Les deux dernières locomotives de la série 20-2e tranche, c.-à-d. les n° 2024 et 2025, ont quitté les ateliers de la Brugeoise dans leur nouvelle livrée.

En outre, la visibilité des automotrices doubles a également été améliorée. On a choisi comme modèle la rame n° 730, qui est pourvue à chaque extrémité d’une porte d’ « intercirculation » jaune et qui, en outre, porte des bandes jaunes plus longues et plus larges. Relevons au passage le gris-orange de nos automotrices électriques quadruples, une teinte relevée depuis belle lurette dans nos paysages ferroviaires.

D’autre part, les automotrices diesel conservent leur livrée jaune-rouge : ces couleurs en augmentent sensiblement la visibilité, notamment à l’approche des passages à niveau sur les lignes secondaires où ces engins circulent principalement ; elles constituent, on l’a vu, un élément important de sécurité.

Les autorails qui assurent la liaison Bruxelles - Zaventem Aéroport gardent leur livrée, c.-à-d. le bleu Sabena avec bandes blanches, de même que les autorails spéciaux des postes qui, au moment de leur mise en service, ont été dotés de la couleur rouge brique de l’Administration des Postes.

Même si ceci n’a aucun rapport avec la couleur, notons quand même que :

  • toutes les locomotives de ligne portent sur chaque paroi d’about le monogramme

    , en caractères plus ou moins grands ;

  • la numérotation sur la paroi latérale est désormais exécutée à l’aide de chiffres plus grands et plus gros, ce qui facilite l’identification du véhicule à grande distance.

 Les locomotives de manœuvre

Provisoirement, ces véhicules n’ont pas été repeints. Ils gardent donc leur couleur de fond vert foncé avec motif jaune en Z. Seule leur visibilité d’approche a été améliorée : à cet effet, et à titre d’essai, des zébrures obliques jaunes ont été appliquées jusqu’à hauteur des réservoirs de gasoil sur les parois d’about et latérales de deux locomotives, c.-à-d. les 8505 et 8507, qui circulent respectivement dans les installations portuaires d’Anvers et de Gand.

Ces zébrures n’ont pas donné les résultats escomptés et, dès lors, les instances compétentes ont opté pour une couleur plus vive pour la locomotive entière. A titre d’essai, et compte tenu des situations particulières inhérentes aux aires portuaires, l’AC Salzinnes a procédé au peinturage complet, en jaune, de la superstructure de la locomotive n° 8516. Ce véhicule est en service dans les installations du port d’Anvers depuis janvier ’78. Les réactions concernant ce singulier véhicule ainsi que l’efficacité de sa nouvelle tenue ne sont pas encore connues.

Enfin, on compte, dans un avenir plus ou moins rapproché, équiper toutes les locomotives de manœuvre d’un feu clignotant qui se mettra à fonctionner aussitôt que le véhicule entrera en mouvement.

Dans le même domaine, l’ATD de Merelbeke a fait des essais à l’aide d’un signal d’approche auditif (bip-bip) qui, tout comme le feu clignotant, se met à fonctionner dès que se meut la locomotive qui ménage ainsi devant elle une zone de bruit. On entend ainsi attirer l’attention des agents qui se déplacent entre les voies.

 Conclusion

Ainsi qu’il a été dit au début du présent article, la sécurité demeure le souci premier des chemins de fer. La décision de doter les engins de traction d’une livrée qui en augmente la visibilité fournit une preuve supplémentaire de cette préoccupation. Cela suppose l’abandon de certaines traditions. On ne le regrettera pas ; et surtout pas ceux dans l’intérêt desquels ce repeinturage a été effectué. Enfin, qui se plaindra que notre paysage ferroviaire ait, en se pomponnant de couleurs vives, pris tout à coup un petit air de fête ?


Source : Le Rail, août 1978