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Le rail canadien en marge de l’expo 67

Roger Gillard.

mercredi 10 novembre 2010, par rixke

Nouvelle victoire du rail que ce tout jeune et tout joli métro de Montréal inauguré le 14 octobre 1966 ! Il aura fallu plus de vingt ans pour que les édiles en acceptent le principe, mais il n’aura fallu que cinq ans pour le réaliser. Ce réseau souterrain atteint vingt-six kilomètres et, déjà, les Montréalais réclament davantage. Ils aiment les vingt-six stations dont chacune se distingue par une architecture propre. Ils aiment les voitures confortables, les longs et larges quais, les escaliers mécaniques. Par-dessus tout, ils sont heureux de pouvoir s’échapper de l’engorgement de la cité et de gagner la périphérie en moins de vingt minutes aux heures de pointe.

Les habitants des métropoles avaient résolu leurs problèmes avec le métro ; les banlieusards résolurent les leurs en optant pour le grand chemin de fer. Contraint, dès lors, le rail, de multiplier les rames et de créer des trains spéciaux ! Il a mis en service des convois capables de transporter en moyenne mille cinq cents passagers, et se succédant parfois à cinq minutes d’intervalle. De cette façon, on a réussi à transporter de deux cent mille à trois cent mille personnes en moins d’une heure dans des cités comme Montréal, Toronto et Vancouver. Sans les trains, ces villes, parmi tant d’autres, étaient vouées tous les jours à la paralysie pendant plusieurs heures.

Ainsi l’auto particulière, qui avait failli détrôner le train dans les grandes métropoles, est aujourd’hui en net recul. Pourquoi s’encombrer d’une voiture, disent certains automobilistes, affronter la circulation, payer le stationnement, risquer l’accident, la panne, voire la contravention, quand il est si simple de voyager rapidement et confortablement ? Car le train autorise toutes sortes de libertés que ne permet pas la voiture. Dans le train, on peut lire le journal, un roman, même Astérix ; on peut aussi regarder par la fenêtre, somnoler, parler avec son voisin, bref se détendre. Au Canada, comme partout ailleurs, il apparaît donc que seuls les transports en commun, en l’occurrence le combiné train-métro, sont capables de résoudre les problèmes du trafic métropolitain. Qu’on songe un instant à ce que sera demain ce trafic dans des villes dont les habitants se compteront par plusieurs millions, et l’on reconnaîtra que l’avenir du transport ferroviaire est bel et bien assuré.

Nous parlions plus haut des deux réseaux qui se partagent les chemins de fer canadiens. Concurrents, ils coopèrent dans tous les domaines où le dédoublement du service ne serait pas avantageux. Leur entreprise est multiple. Outre l’exploitation ferroviaire, ils assurent des transports caboteurs et océaniques, des voyages par la route, des liaisons aériennes nationales et internationales. Le Canadien Pacifique possède jusqu’à des chaînes d’hôtels et de restaurants et cinq mille hectares de terrains au sol riche en pétrole et en minerai. Les activités des deux compagnies s’étendent à la télégraphie, à la télétypie et à la télévision industrielle. Ainsi le Canadien National et le Canadien Pacifique, par leurs services de télécommunications, pénètrent aujourd’hui dans tous les foyers et dans toutes les installations canadiennes. On notera enfin que la société TNC, organisme créé par les Télécommunications CN-CP, joue un rôle très actif dans le domaine du téléphone public en divers endroits de Terre-Neuve et dans les territoires du Nord-Ouest. Le central TNC de Cambridge Bay, le plus septentrional de l’Amérique, se situe bien au-delà du cercle arctique.

Quant aux chemins de fer proprement dits, ils font montre, eux aussi, d’une très grande activité. Les deux chemins de fer transcontinentaux mettent tout en œuvre pour contenter l’usager. Redoublant d’efforts en vue de stimuler le trafic des voyageurs, ils ont adopté récemment des tarifs véritablement attrayants. En plus des « billets à tempérament », des « taux familiers »" et des « plans globaux », on a offert, à titre d’expérience, des « taux à rabais » variant selon la distance et l’achalandage. Le voyageur a, en outre, la faculté de commander ses billets par téléphone et, dans ce cas, le bureau les lui envoie par la poste.

A l’intention des expéditeurs, les deux sociétés ont créé un nouvel équipement et de nouveaux aménagements. Des wagons à trois étages ont été spécialement conçus pour le transport des automobiles. Dans certaines régions du pays, on peut voir des convois de blé de 125 à 175 wagons tirés par cinq ou six locomotives diesel. Nous sommes loin des petits tortillards souffreteux de Jack London ! Dans un prochain article, nous parlerons des turbotrains du CN, qui sont destinés à couvrir près de six cents kilomètres (Montréal-Toronto) en moins de quatre heures !

Et ce rail canadien, non seulement se fortifie, mais sans cesse recule ses limites ; non seulement il vit, niais il continue de naître. Chaque mois, une nouvelle gare est édifiée, un nouveau tronçon s’ajoute à l’immense réseau. Commencé en 1961 par le Canadien National pour le compte du Gouvernement fédéral, le premier chemin de fer des territoires du Nord-Ouest vient d’être terminé. Ainsi se trouve réalisée la jonction d’Edmonton, capitale de la province d’Alberta, au grand lac des Esclaves. La ligne, qui aboutit à Pine Point, la gare la plus septentrionale de toute l’Amérique, permet enfin l’accès aux riches réserves de bois de construction, de pétrole et de minerais du Grand Nord.

Les chemins de fer sont appelés à jouer un rôle de plus en plus grand dans l’économie canadienne. Pour mettre en valeur ses immenses étendues encore désertiques, la Confédération aura besoin de plus en plus du rail. Elle le sait et ne s’en cache pas. Dans l’histoire des chemins de fer, le Canada occupera demain une place de choix.

Un convoi du CP dans les Rocheuses (Cap. O.N.F. du Canada).

Source : Le Rail, n° 131, juillet 1967