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La liaison ferroviaire Paris - Amsterdam

C. Schouleur.

mercredi 18 mars 2015, par rixke

 Au nord d’Anvers

Nous avons vu que, dès 1836, le train relie Bruxelles à Anvers, notre grand port national.

Hélas ! au-delà d’Anvers, existent des obstacles naturels, de véritables bras de mer, qui vont, durant quelques années, faire hésiter les constructeurs de voies ferrées. Il faut remarquer aussi que, pendant cette période, les relations entre les deux pays sont assez « fraîches ».

Cependant, de leur côté, nos voisins du Nord ne sont pas restés inactifs. Pour eux aussi, la « route à ornières de fer » est un moyen d’expansion.

Le 1er juin 1836, le gouvernement hollandais concède, en deux étapes, à la « Hollandsche IJzeren Spoorweg Maatschappij », la construction d’une voie ferrée reliant Amsterdam à Rotterdam. Le premier tronçon, Amsterdam - Haarlem, est ouvert le 20 septembre 1839, et le second, Haarlem - Rotterdam, au cours de l’année 1847.

Le plus difficile reste cependant à accomplir : rejoindre Anvers, afin de permettre aux Pays-Bas une communication aisée avec ses voisins.

Le chemin de fer d’Amsterdam à Haarlem. (Doc. du Musée des Chemins de fer, Utrecht.)

Il n’y a donc rien de surprenant à voir les gouvernements belge et hollandais s’entendre, en 1852, pour octroyer une concession à un nommé Gihoul, en vue de créer une liaison plus rapide Anvers - Rotterdam.

Pour ne pas compliquer cet exposé par des détails superflus, disons simplement que M. Gihoul, ses commanditaires et ses coactionnaires constituent la « Société des Chemins de fer d’Anvers à Rotterdam ». Celle-ci fusionne, en 1864, ses activités avec celles d’autres compagnies privées, notamment l’« Est belge » et l’« Entre-Sambre-et-Meuse », et ce groupe important prend la dénomination de « Grand Central belge ».

Quant à la ligne projetée, elle est construite dans les délais imposés. On peut l’exploiter dès le 23 juin 18 54, mais l’ouverture officielle au trafic régulier n’a lieu que le 3 mai 1855. Elle n’est pourtant pas entièrement « ferroviaire ». En effet, le voyage, qui n’exige plus que quatre heures au lieu de onze, s’opère comme suit :

  • Par fer :
    • en territoire belge, Anvers - frontière, 28 km ;
    • en territoire hollandais, de la frontière à Moerdijk, 31 km
  • Par bateau :
    • de Moerdijk à Rotterdam, 37 km.

Une autre liaison, plus longue quant au kilométrage, mais supprimant le trajet fluvial et, par là même, réduisant la durée du parcours, devient possible à partir du 15 septembre 1870, en suivant les lignes de chemin de fer : Amsterdam – Utrecht – Boxtel – Breda – Roosendaal - Anvers.

Enfin, l’achèvement, en 1872, du fameux pont-rail enjambant le Moerdijk permet le trajet direct actuel.

 L’électrification

En un demi-siècle, les premiers « remorqueurs » ont bien changé d’aspect.

L’engouement des voyageurs, le trafic sans cesse grandissant des marchandises, le désir de diminuer la durée du trajet, conduisent inévitablement à la construction de locomotives dont la puissance de traction augmente, mais qui, par voie de conséquence, absorbent une quantité de charbon de plus en plus considérable.

Nous avons vu que les dirigeants des compagnies ne perdent jamais de vue la question de rendement. Celle-ci est, plus que jamais, à l’ordre du jour... Il faut réduire les dépenses en économisant la houille.

Et les yeux se tournent vers une science nouvelle, l’électricité.

Déjà, les Etats-Unis ont procédé à des essais concluants. A leur tour, les Français tentent l’expérience. Pierre Dauzet, dans son ouvrage Le Siècle des chemins de fer en France (1821-1938), nous révèle que « ... entre Creil et La Chapelle, par Montsoult, sur 56 kilomètres, le premier transport de force par l’électricité à grande distance fut effectué et constaté officiellement en mai et juin 1886. Deux locomotives du Nord, sans roues, à Creil, commandèrent un arbre moteur et, par lui, une génératrice électrique ; un double fil électrique relia Creil à La Chapelle, où une machine dynamoélectrique recevant la force actionna des cabestans de la gare, un marteau-pilon, un treuil, une aiguille. Devant ces résultats sensationnels, Albert Sartiaux avait aussitôt tracé le programme de multiples applications de l’électricité au chemin de fer, depuis les signaux et les appareils de voie jusqu’aux locomotives. L’avenir est, dès lors, ouvert... »

Cependant, le nord de la France et le sud de la Belgique disposent, à pied d’œuvre, de charbon en abondance, circonstance qui retarde, pendant de longues années encore, l’utilisation d’une autre formule de traction que celle de la vapeur.

Par contre, la Hollande, dont l’industrie charbonnière est moins importante, se sent immédiatement attirée par l’électrification. Nous vous faisons grâce des préliminaires, des tractations multiples entre la « Hollandsche IJzeren Spoorweg Maatschappij » (H.IJ.S.M.) et la « Maatschappij tot Exploitatie van Staatsspoorwegen » (S.S.). Un fait demeure : décidée le 3 juin 1899 par le ministre néerlandais Lely, une ligne électrique reliant La Haye et Scheveningen est ouverte au public le 1er mai 1907, par la « Zuidhollandsche Electrische Spoorweg Maatschappij » (Z.H.E.S.M.).

La même Société réalise la jonction, par traction électrique, de Rotterdam-Hofplein à La Haye (via Pijnacker), le 1er octobre 1908.

En 1918, la « H.IJ.S.M. » décide le principe de la construction d’une ligne électrique Amsterdam - Rotterdam, ligne qui, mise en service le 1er octobre 1927, est prolongée jusqu’à Roosendaal en 1950.

Quant à la Belgique, elle inaugure à l’occasion du centenaire des chemins de fer belges, le 5 mai 1935, la ligne électrique de Bruxelles-Nord à Anvers-Central.

Le 2 juin 1957, cette ligne rejoint Roosendaal afin de permettre une liaison rapide et directe, sans changement de traction, des capitales hollandaise et belge.

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Une photo de la locomotive tricourant « type 150 » qui, depuis le 14 juillet, assure la traction de trains entre Roosendaal et Aulnoye, en attendant de pouvoir rouler entre Amsterdam et Paris.

De son côté, la S.N.C.F. pousse activement son programme d’électrification. Déjà, la section de ligne Paris-Creil est électrifiée au titre de Nord-Paris. La jonction avec Aulnoye s’impose afin d’assurer l’important trafic marchandises du bassin de la Sambre vers la région parisienne ainsi que les courants voyageurs-marchandises en provenance ou à destination de la Belgique, via Feignies ou Jeumont.

Le projet est adopté par décret ministériel du 1er juillet 1959. Les travaux portent sur plus de 200 km de double voie. Commencée en 1960, la ligne électrifiée Paris - Aulnoye est en service dès la mi-mai 1962, et son prolongement jusqu’à la frontière belge, tronçon Aulnoye - Feignies, est à son tour ouvert au trafic le 10 janvier 1963.

Et quelques mois plus tard, grâce à la mise au point des nouvelles installations de la S.N.C.B., bien qu’un peu gênée par le rigoureux hiver 1962-1963, la ligne Paris - Amsterdam, électrifiée en son entier, peut être mise à la disposition des voyageurs.


Source : Le Rail, août 1963