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Le système de récupération des nouvelles locomotives électriques type 123 de la S.N.C.B.

par M. W. Bocquet, Ingénieur, chef de service à la S.A. Société d’Electricité et de Mécanique (SEM) à Gand.

jeudi 25 juin 2009, par rixke

Le profil de la ligne Bruxelles-Luxembourg, sur laquelle les locomotives type 123 seront utilisées en ordre principal, est tel que le freinage par récupération y présente un intérêt incontestable.

Nous voyons trois avantages à ce freinage :

  • possibilité de la descente des pentes à des vitesses uniformes élevées et par conséquent gain de temps dans les horaires et plus grande facilité d’exploitation,
  • économie des sabots de frein et des bandages,
  • récupération de l’énergie, d’autant plus intéressante si cette énergie peut être immédiatement absorbée par un train montant comme ce sera vraisemblablement le cas sur la ligne du Luxembourg, étant donné la densité du trafic.

Dès que fut prise la décision de construire des locomotives prévues pour la marche en récupération, est apparue la nécessité de choisir une solution donnant toute certitude pour l’exploitation parmi les systèmes connus. La plupart de ceux-ci n’avaient jamais été appliqués que sur quelques locomotives ou même n’avaient pas dépassé le stade de l’étude théorique.

Il s’agissait de réaliser une série de 83 locomotives et non de construire un prototype qui aurait autorisé toutes les audaces.

Un mode de récupération avait été éprouvé sur plus de cent locomotives en donnant entière satisfaction : celui adopté depuis des années par la société française alliée de la S.E.M., l’Alsthom, qui d’ailleurs à l’époque du début de l’étude des locomotives type 123, venait d’en faire de nouvelles applications sur les locos BB 3000 V de la série 701 destinées aux chemins de fer du Maroc et sur les locos CC 3000 V de la série 7.600 des chemins de fer espagnols.

Il fut décidé, dès l’origine, d’appliquer le même système sur les 83 locomotives type 123.

 Principe du système.

Lors de la marche en récupération, les induits des moteurs de traction sont séparés des inducteurs qui sont excités par une source séparée.

Les inducteurs des moteurs de traction sont alimentés en série, à basse tension, par une excitatrice comportant plusieurs enroulements d’excitation : série, séparée et anticompound. L’enroulement séparé sert au réglage du freinage par le manipulateur. L’enroulement anticompound parcouru par le courant récupéré a un effet autorégulateur en cas de variation de ce courant.

Les induits des moteurs de traction sont branchés entre la terre et la ligne par l’intermédiaire de résistances tampons de protection. Ils sont couplés en série ou en série parallèle suivant les vitesses. Comme résistances tampons sont utilisés des tronçons de la résistance de démarrage.

L’excitatrice est entraînée par un moteur à 3000 V, l’ensemble moteur-excitatrice porte le nom de groupe de récupération.

Il est à noter que :

  • l’absence d’une résistance de stabilisation et le fait que l’excitatrice est à basse tension permettent de réduire ses dimensions.
  • l’effet anticompound est appliqué sur l’excitatrice, il est dès lors possible d’utiliser des moteurs de traction série plus sûrs que les moteurs compound et qui se présentent mieux pour obtenir des courbes de freinage convenables.

Dans le cas particulier qui nous occupe, l’emploi de moteurs série a permis de conserver des moteurs identiques à ceux des 50 locomotives type 122.

 Groupe de récupération.

Photo 820. - Groupe de récupération avec transfo inductif.

Le groupe a été étudié en se fixant au départ les valeurs de base suivantes :

  • Tension maximum à la caténaire : 3.600 V ;
  • Tension minimum à la caténaire : 2.700 V ;
  • Tension moyenne de récupération : 3.200 V ; (Prise comme tension nominale).
  • Débit de la génératrice en régime continu : 245 A sous 70 V à 1.930 t/m.

Telle qu’elle est dimensionnée, la génératrice débite en régime continu et même en régime uni-horaire un courant inférieur à celui admissible en régime continu, dans les inducteurs des moteurs.

Théoriquement on eût été tenté de demander aux moteurs de traction, en récupération, ce qui leur est demandé en marche en traction.

Pratiquement le groupe moteur excitatrice aurait été inutilement grossi. En effet, pour fixer les idées, l’augmentation du courant continu de la génératrice de 245 A à 310 A n’aurait apporté qu’un abaissement de 5 km/h environ de la vitesse minimum à laquelle la récupération est possible.

Cela étant, le groupe est composé de :

  • Un moteur d’excitation compound,
  • Une génératrice à caractéristique anticompound pour l’excitation des inducteurs des moteurs lors de la marche en récupération. Les induits du moteur et de la génératrice sont montés sur le même arbre,
  • Un transfo « antimutuelle », monté à la partie supérieure du groupe, qui assure une tenue parfaite au démarrage et lors des variations brusques de tension par limitation des pointes d’intensité en régime transitoire,
  • Un limiteur de vitesse monté en bout d’arbre qui coupe l’alimentation du moteur si la vitesse devient exagérée pour une raison quelconque.

Les caractéristiques du groupe de récupération et des moteurs de traction permettent de faire du freinage de maintien et également des freinages véritables à des vitesses comprises :

  • entre 60 et 30 km/h au couplage série et
  • entre la vitesse maximum et 60 km/h au couplage série parallèle.

Sur la figure A sont tracées, face à face, les courbes caractéristiques des vitesses en fonction des efforts en marche en traction et en récupération.

Pour ne pas surcharger inutilement le dessin, nous n’avons représenté que les zones dans lesquelles le moteur de traction et le groupe de récupération restent en dessous de leur régime continu.

Bien entendu on s’écarte couramment de ces zones en service, notamment, par exemple, lors du démarrage de la locomotive.

Photo 828. - Relais à courant nul.

Il est intéressant de constater le recouvrement des places de fonctionnement en régimes continus et correspondant aux deux couplages lors de la marche en récupération.

Ce recouvrement n’existe pas lors de la marche en traction.

Les courbes des vitesses en fonction des efforts, pour des trains de différents tonnages et sur différentes pentes, ont également été tracées sur la figure (A).

On lira, par exemple qu’un train, de 675 T est retenu sur une pente de 1 6 ‰ à la vitesse de 50 km/h au cran 8 du manipulateur, en couplage série.

Au groupe de récupération, et nécessaires au fonctionnement de la récupération, sont liés différents appareils qui n’existaient pas sur les locomotives type 122 : relais, résistances...

D’autres appareils, tel que le bloc J.H. et les manipulateurs ont dû être modifiés.

Photo 824. - Bloc disjoncteur U.R. Vue côté panneaux.

 Résistance du moteur de groupe de récupération.

Elles sont au nombre de trois :

  • une résistance permanente en série avec l’induit du moteur,
  • une résistance d’excitation en série avec l’excitation shunt du moteur,
  • une résistance de démarrage court-circuitée dès que le groupe est démarré,

et se caractérisent par l’emploi d’éléments cal-rods dans leur construction.

Photo 831. - Panneau à 9 relais.

Déjà, sur les 50 locomotives type 122, les résistances des groupes moteur-ventilateur et moteur-compresseur avaient été réalisées de cette façon.

Devant les bons résultats obtenus, le procédé a été généralisé aux résistances de groupes de récupération des locos type 123.

La réalisation est d’ailleurs techniquement la même que celle des résistances de démarrage des 139 automotrices types 1954-1955-1956 dont la fourniture à la S.N.C.B. est actuellement en cours.

 Relais de récupération.

La marche en récupération est commandée et protégée par :

  • un relais à maxima assurant la protection du moteur du groupe contre les surintensités.
  • un relais de démarrage contrôlant le démarrage en deux temps du groupe.
  • un relais différentiel de tension qui compare, lors de la marche en récupération, la tension de la ligne caténaire à celle des moteurs et conditionne l’accrochage de récupération.
  • un relais de raté de récupération qui provoque :
    • la séparation des moteurs de la ligne,
    • la suppression du courant d’excitation des moteurs de traction,
    • le passage automatique du freinage en récupération au freinage pneumatique, en cas de raté de récupération.

Le raté de récupération se produit :

  • lors d’une surtension aux bornes des moteurs de traction tournant en génératrices,
  • lors d’un retour de courant.

Le relais de raté enclenche alors dans le premier cas suite au fonctionnement d’un relais de surtension et dans le deuxième cas suite au fonctionnement d’un relais de retour de courant (photo 828).

A ces relais sont associés des résistances et des relais auxiliaires.

Les relais différentiels de tension, de surtension et leurs résistances sont montés dans un bloc « DUR » semblable à celui des locomotives BB type 122 (fig. 824) et dans lequel sont également placés :

  • le disjoncteur ultra-rapide,
  • les sectionneurs de pantographes,
  • le relais de tension nulle,
  • le parafoudre, etc.
Photo 830. - Résistances type TP. Résistances type CR9033B.

L’ensemble des relais auxiliaires est réuni en un seul tableau, complètement câblé et monté hors de la locomotive (fig. 831).

 Manipulateur.

Photo 823. - Manipulateur type BB 123.

La récupération a nécessité une refonte complète du manipulateur des locomotives type 122 du fait :

  • de la nécessité de prévoir des verrouillages supplémentaires entre les différentes manettes de commande pour éviter les fausses manœuvres,
  • des contacts supplémentaires nécessaires au réglage de l’excitation en récupération.

Dans sa nouvelle réalisation le manipulateur comporte :

  • une manette de sens de marche à 3 positions AV - O - AR,
  • un volant de vitesse à :
    • 12 positions : en traction,
    • 3 positions : arrêt - série parallèle en récupération,
  • une manette de réglage de l’effort réglant :
    • en traction, l’effort de traction par l’alimentation, à tension variable et par l’intermédiaire d’un rhéostat, de la bobine de réglage du relais d’accélération.
    • en récupération, l’effort de freinage par une alimentation à tension variable et par l’intermédiaire des rhéostats de l’enroulement indépendant de la génératrice du groupe de récupération.

Les résistances de réglage de l’effort (fig. 830) ont été séparées du manipulateur pour des raisons d’échauffement et de facilité de montage.

Les premières locomotives sont actuellement en service en traction en donnant toute satisfaction ; elles vont être essayées incessamment en récupération.