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Bruxelles Tour & Taxis

mercredi 6 octobre 2021, par rixke

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Un passé prestigieux, un avenir incertain

Sans entrer dans la polémique au sujet du destin du site de Bruxelles Tour et Taxis (TT), il nous a paru intéressant de consacrer à ce témoin de la prospérité industrielle passée de Bruxelles ces quelques pages.

Son histoire commence il y a cent ans mais s’inscrit dans un contexte économique qui remonte au moyen âge.

 C’était au temps où Bruxelles s’appelait Bruocsella

Si la naissance de la ville de Bruxelles remonte à 977 quand Othon II accorda le titre de duc de Basse-Lotharingie à Charles, lui conférant par là des droits sur les îles de la Senne, ses activités portuaires ne sont attestées qu’à partir de 1012 (d’autres sources font état de l’an mil) quand le nom de Bruocsella portus apparaît pour la première fois dans des documents faisant état de l’utilisation de la Senne comme voie navigable.

Cette rivière pourtant connaît des crues violentes, un assèchement épisodique et un ensablement continuel. Aussi l’idée de creuser un canal vers l’Escaut via le Rupel est-elle lancée par Charles le Téméraire et vivement approuvée en 1477 par Marie de Bourgogne.

Charles Quint entérine le projet en 1531 et les premiers travaux de terrassement commencent en 1550.

Le canal est inauguré en 1561 et aussitôt le centre ville est envahi par des bassins dont les noms figurent encore aujourd’hui dans la toponymie du quartier : Quais au Bois de construction, au Foin, aux Pierres de taille...

En 1896, la Société anonyme du Canal et des installations maritimes de Bruxelles est créée pour ouvrir vers l’Escaut un nouveau passage d’un gabarit plus important correspondant au tonnage croissant des bateaux. L’entreprise est lancée en 1900 par Léopold II et s’achève en 1955 avec l’inauguration du superbe pont levant de Buda.

 Digression douanière

En contrepoint de cette activité portuaire se déroulent les opérations douanières relatives aux marchandises importées et arrivées par bateau dans un entrepôt situé Quai au foin à l’emplacement actuel du Théâtre flamand. En 1842, la ville de Bruxelles souhaite disposer d’un nouvel entrepôt et lance à cet effet un concours. Ce sont les plans de l’architecte Louis Spaak qui sont retenus et la première pierre est posée en 1844.

Cet édifice public - le premier où la fonte a été employée sur une aussi grande échelle comme support et appui des voûtes - est érigé au confluent des canaux de Willebroek et de Charleroi - inauguré en 1832 - et sur le raccordement des chemins de fer du Nord et du Midi, quai du Commerce. D’un style rappelant les palais florentins du XVe siècle, cet entrepôt est constitué de deux vastes bâtiments reliés entre eux par trois blocs transversaux entre lesquels se trouvent des cours grillagées. Couvertes et reliées au réseau ferré, elles sont ainsi devenues une des premières gares à marchandises du genre.

 Une synergie exceptionnelle

C’est dans ce contexte d’intense activité commerciale que le chemin de fer apparaît dans le paysage industriel bruxellois. Les capacités d’entreposage insuffisantes et l’essor de ce nouveau moyen de transport justifient une nouvelle approche de ce secteur. Le site de Bruxelles TT se dessine alors en concertation avec toutes les communes limitrophes du port de Bruxelles : il s’agit d’un exemple magnifique de synergie de toutes les fonctions liées à la redistribution, taxation et commercialisation de produits finis. En 1897, la ville de Bruxelles achète les terrains de la famille princière de Tour et Taxis dont l’ancêtre François mit en place en 1516 le premier service international des postes.

La même année, le gouvernement adopte les plans d’un nouvel entrepôt organisé autour d’une future gare remplaçant celle de l’Allée verte devenue trop petite et d’un hôtel des douanes.

Les limites communales sont modifiées au profit de la ville de Bruxelles qui n’avait accepté l’aménagement du port hors de ses murs qu’en échange d’une extension de son territoire, histoire de garder la maîtrise du sol et des bâtiments à construire, bien sûr. Dans la foulée, la SA du Canal et des installations maritimes de Bruxelles reprend les droits et les obligations de la ville en matière d’entreposage et de dédouanement. L’adjudication des travaux est faite le 9 avril 1903, les terrains rétrocédés par l’État à la Société en 1908. Les plans du site sont dus principalement à l’architecte Van Humbeek tandis que l’étude architecturale et technique des grandes halles de la gare est confiée à l’ingénieur Bruneel des chemins de fer.

En 1907, les premiers locaux sont occupés par l’entreposage de vin et de sucre. Les douanes emménagent à la même époque, abandonnant à la ville l’entrepôt du bassin du Commerce qui sera démoli en 1910. Ce complexe rationnel libérant 50 000 m2 attire de nombreuses entreprises dont des firmes spécialisées dans le conditionnement des produits soumis aux droits de douane, les tabacs (Gosset, Saint-Michel), bières (Whitbread), vins et spiritueux, cafés (Padanga)... De nombreux emplois sont ainsi créés et les ouvriers habitent dans des logements spécialement construits pour eux dans le quartier (rue Laekenveld, de l’Escaut, de Rotterdam...). En 1922, l’entrepôt devenu insuffisant s’étend à une nouvelle construction constituée d’une grande halle et de caves tandis que la gare devient une des plus importantes du pays, assurant l’accueil et la manutention de 1 400 wagons par jour.


Source : Le Rail, octobre 1996